Anne Berest publie Finistère aux éditions Albin Michel. Un récit transgénérationnel avec le père comme figure centrale.

Anne Berest © Pascal Ito
Après le succès de La Carte postale, où Anne Berest explorait la branche maternelle de l’arbre généalogique, l’écrivaine s’intéresse désormais à l’héritage paternel. Tout commence par l’annonce de la maladie du père. Un père qu’on croyait éternel et immuable. Un père qui aime les sciences et qui est peu bavard. Quelle a été sa vie ? Ses combats et ses rêves ? Son parcours étudiant ? Ses amis et ses amours ? Les questions se multiplient et s’entrechoquent. Les silences requièrent des mots pour comprendre le récit familial. Alors Anne enquête, interroge, retourne dans la région natale de son père, le Finistère. Elle espère y trouver des réponses et surtout recomposer le passé de ce père qui, peu à peu, disparaît.
Les héritages invisibles
Pour comprendre le père, il faut remonter aux générations passées. À commencer par l’arrière-grand-père, l’agriculteur. Homme taiseux, mais prêt à tout pour protéger sa terre bretonne. À l’origine d’une coopérative, il sera la voix de ceux qui luttent contre la mondialisation. Puis il épouse Odile, un mariage tardif mais solide qui fait front face aux difficultés quotidiennes. Aussi, lorsqu’Eugène naît, la volonté est de faire de ce fils unique un digne héritier de ce combat. Mais Eugène à d’autres aspirations : faire des études et devenir professeur de grec. Il part donc étudier à Paris. Un choix de vie difficile à faire accepter, mais une constante demeure de père en fils : celle des choix personnels et de la rébellion, si nécessaire. Un chemin tout tracé pour celui qui va naître, Pierre. Le père de la narratrice décidera à son tour de son destin et de ses engagements. Lycéen combatif, ami fidèle, amoureux transi, scientifique passionné puis père de famille, Pierre sera à son tour un maillon essentiel de ce roman familial qui se répète.
Anne Berest dresse un portrait bouleversant. Elle démontre l’importance des liens intergénérationnels, des continuités, des ressemblances et des cassures d’une histoire familiale. Comment les uns résonnent auprès des autres et comment le récit des ancêtres nous rattrape. Il ne s’agit pas de fatalité, mais de comprendre les similitudes et les résonances. D’être conscient des héritages invisibles et d’en conserver le meilleur. Tel est le challenge réussi d’Anne Berest qui, au-delà du travail d’investigation, rend un hommage vibrant et puissant à son père.