Chaque mercredi, on rend hommage à un grand classique du cinéma. A voir ou à revoir.
Husbands de John Cassavetes
Singulier parcours que celui de l’acteur et cinéaste (son premier long-métrage, Shadows, date de 1959) devenu une figure du cinéma d’auteur. Avant cela, John Cassavetes fut une vedette du petit écran grâce à la série policière Johnny Staccato et du grand grâce, entre autres, à ses rôles dans Rosemary’s Baby de Roman Polanski ou dans Les Douze Salopards de Robert Aldrich. Cependant, c’est son œuvre de metteur en scène qui en fera l’idole d’une certaine cinéphilie, notamment à travers Meurtre d’un bookmaker chinois et les nombreux films où il dirigea son épouse, Gena Rowlands, parmi lesquels Une femme sous influence, Opening Night ou Gloria.

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Chez Cassavetes, les sentiments sont exacerbés, les personnages au bord de la crise de nerfs, voire de la folie. Le mélodrame et l’hystérie ne sont jamais loin. Les intrigues servent en général de prétextes. La théâtralité s’invite. Ses films – lents, longs, bavards, sinueux – érigèrent une conception du cinéma indépendant américain à l’écart des auteurs du Nouvel Hollywood (Coppola, Scorsese, De Palma, Friedkin, Cimino…) bousculant quant à eux les règles au sein même des grands studios.
Côté obscur de la farce
Husbands, sorti en 1970 et malgré l’absence de Gena Rowlands au générique, illustre en quelque sorte la quintessence de l’art de Cassavetes. Trois amis quadragénaires – le publicitaire Harry, le journaliste Archie et le dentiste Gus – se retrouvent aux obsèques du quatrième de la bande. Après l’enterrement, ils se lancent dans une nuit de dérive puissamment alcoolisée puis décident le lendemain de poursuivre leur échappée en se rendant à Londres. Au programme : ivresse, sexe et confusion.
Le cinquième film de Cassavetes – son premier en couleurs – marque le début de sa collaboration avec Peter Falk et Ben Gazzara qui feront dès lors partie, avec Seymour Cassel et bien sûr Gena Rowlands, de sa « famille » cinématographique. C’est aussi la première fois que Cassavetes tourne dans l’un de ses propres films. Bref, son univers se met en place. Dialogues surécrits côtoient des séquences d’improvisation. Les corps des comédiens dégagent une énergie et une tension paroxystiques. Les cris l’emportent sur les chuchotements. La caméra bouge sans cesse, les faux raccords sont de la partie. Tout cela peut lasser. Comme d’ailleurs l’errance de ces trois hommes dont on ne saisit jamais vraiment l’origine de leur crise de la quarantaine ni le sens de leur fuite. Le côté obscur du propos – une constante chez Cassavetes – n’a sans doute pas contribué pour rien à son statut d’icône du cinéma d’auteur.
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