Le rappeur toulousain Samir Flynn s’apprête à dévoiler Already Dead!, son nouvel album, attendu le 14 mars. En collaboration avec La Tête, il propose une version hybride du rap, mêlant diverses influences musicales. Culture 31 l’a rencontré pour évoquer la genèse du projet et son processus créatif.

La cover de l’album Already Dead! ©rastagraphe_974
Comment est née l’idée d’Already Dead!? Quel a été le point de départ de cet album : une émotion, une idée, un son en particulier ?
L’idée de l’album s’est construite un peu par hasard. Avec Malo, on faisait de la musique ensemble sans plan précis, mais une question revenait souvent : qu’est-ce que ça veut dire, être en vie ? Au fond, est-ce qu’on ne fait pas que faire semblant ? Et est-ce que faire semblant, ce n’est pas aussi une manière d’exister ? La mort est un thème qui revient beaucoup dans l’album, mais pas dans un délire sombre ou fataliste. C’est plus une façon d’accepter la vie à fond. Un peu comme le chat de Schrödinger. On a eu pas mal de discussions philosophiques, et il y a cette phrase qui nous a marqués : « On vit deux fois. La première, quand on naît, et la deuxième, quand on se rend compte qu’on ne vit qu’une fois. » En fait, ce projet, c’est ça : accepter qu’on est déjà morts pour mieux vivre. Parce que même si on fait semblant, c’est pas forcément un problème. Peut-être que c’est même nécessaire.
Tu collabores avec La Tête à la composition. Comment s’est construite l’alchimie entre vous ?
Ça s’est fait hyper instinctivement. On a commencé à composer sans pression, juste pour tester. On est partis chez un ami, Sacha, qui nous a prêté son studio à la campagne. On n’avait pas de vision claire dès le départ, c’était plus du ressenti, de l’expérimentation. C’est en avançant qu’on a compris où on allait, en affinant notre son, en laissant les morceaux nous guider. L’album a vraiment pris forme au fur et à mesure, sans qu’on force une direction précise dès le début.

Samir Flynn et La Tête, artistes toulousains ©rastagraphe_974
Le titre Already Dead! est percutant. Pourquoi ce choix ?
On voulait rendre notre constat moins triste, c’est pour ça qu’on a rajouté un point d’exclamation à la fin. Le fait qu’il soit en anglais aussi, on trouvait ça bien pour montrer que c’est comme un show, que tout ça reste de l’entertainment.
L’album explore une palette musicale large : rap, rock, pop, jazz… Qu’est-ce qui a guidé cette diversité ?
À la base, j’étais surtout dans le rap expérimental, avec pas mal d’autotune. Malo, lui, a une approche plus classique et épurée. Travailler ensemble m’a reconnecté à mes influences d’ado : le rock, la pop alternative… On a beaucoup écouté Radiohead, Tyler, The Creator, November Ultra. L’album reflète cette diversité, chaque morceau explore une ambiance totalement différente mais toujours avec une volonté de transmettre une vibe avant tout. On voulait capter une énergie brute, presque comme un groupe en live, avec des prises en one-shot parfois. Malo accorde une grande importance au fait que les morceaux soient intemporels. Au final, c’est un projet où l’émotion prime, où la musique peut toucher même sans forcément comprendre les paroles. Même si les paroles restent très personnelles, honnêtes et parfois dures.
À ce sujet, au niveau des textes, tu abordes la santé mentale, la famille, l’amour… C’est une manière de mettre à plat ce que tu ressens ? De transmettre des messages ? De permettre aux gens de s’identifier ?
Pour moi, écrire, c’est pas forcément un moyen conscient de délivrer un message ou de permettre aux gens de s’identifier. Pendant le processus, je ne me posais pas toutes ces questions. Ce qui compte, c’est d’être vrai. Dans ce projet, je parle beaucoup de ma famille, de ma santé mentale, et pourtant, j’ai l’impression que ça dépasse ma propre histoire. C’est pas juste moi qui raconte ma vie, il y a quelque chose d’universel dans l’honnêteté brute. Je crois que quand quelque chose est sincère, il y a toujours un écho chez les autres. C’est aussi le travail de Malo qui rend le tout plus digeste. Même quand je dis des choses dures, il y a une forme d’équilibre musical qui fait que ça touche sans être plombant, on peut même danser sur certains morceaux.
L’album comporte des featurings avec Deep Kelins et M4TIAS. Comment ces collaborations se sont-elles faites ?
Il faut savoir qu’il n’y a aucun featuring qu’on a fait juste pour faire un feat. À chaque fois, on a créé les morceaux de notre côté, et ensuite, on est allés chercher des artistes qui nous semblaient logiques et cohérents pour les compléter. Par exemple, pour Deep Kelins, c’était évident dès le départ, parce que le morceau appelait son énergie et son style. Avec M4TIAS, ça a été un peu différent. On a testé avec plusieurs rappeurs avant, mais ça ne collait pas comme on le voulait. Puis, quand on a essayé avec lui, ça a tout de suite fonctionné, il a apporté exactement ce qu’il fallait au morceau.
Cet album marque-t-il une évolution dans ta musique ?
Totalement. Avant, j’avais tendance à romancer mes textes, à mettre un filtre entre ce que je vivais et ce que je mettais dans la musique. Là, j’ai voulu être plus frontal, plus direct. Et dans l’avenir, j’ai envie de pousser encore plus loin cette sincérité. J’ai aussi compris que l’entourage est crucial. Avant, je faisais tout seul, notamment sur mon premier album « mAAAquête ». Je pensais que je ne pourrais jamais atteindre le niveau de certains projets que j’admire. Mais en fait, c’est juste qu’on ne peut pas tout faire seul, et que l’évolution passe par l’échange et la collaboration.
Vous préparez un concert au Metronum le 15 mars pour la sortie de l’album. À quoi peut-on s’attendre ?
Une vraie fête pour célébrer la sortie de notre projet ! On veut que ce soit un événement joyeux tout simplement.

Un concert aura lieu au Metronum ©rastagraphe_974
Une fois Already Dead! dans les oreilles du public, comment envisages-tu sa réaction ? Et quelle est la prochaine étape pour Malo et toi ?
J’ai hâte de voir comment l’album sera reçu, même si, avec les sessions d’écoute, j’ai déjà une idée de son impact. J’ai fait écouter l’album à certains de mes proches, et leurs réactions m’ont vraiment touché. J’ai jamais eu autant de personnes qui ont pleuré sur ma musique. C’est un projet qui peut accompagner les gens sur le long terme, avec plusieurs niveaux de lecture. Chacun peut y trouver sa propre interprétation. Avec Malo, on va défendre l’album sur scène. On commence déjà avec la première partie du rappeur Ajna à Montpellier le 7 mars, et on va sortir un clip très bientôt. L’objectif, c’est d’atteindre un nouveau public et de franchir un cap.
Propos recueillis par Tess Beirao