Edouard Louis publie Monique s’évade aux éditions Seuil. Le récit puissant d’une émancipation.
Un appel tard dans la nuit. La mère, Monique, appelle son fils. Elle pleure et raconte son calvaire. Son compagnon, ivre, ne cesse de hurler et de l’insulter. Edouard se trouve en Grèce, loin et démuni face à la violence des mots. L’histoire se répète, encore et encore. Après une première union avec un homme brutal, Monique épouse le père d’Edouard. 20 ans de vie commune et de dureté verbale. Tout cela sous fond de précarité sociale. Monique met son mari dehors et espère retrouver la paix. Mais cela est sans compter sur une nouvelle aventure amoureuse qui se transforme rapidement en relation toxique. Alors Edouard supplie sa mère de quitter le logement et de se mettre à l’abri. Seule l’urgence compte pour le moment, mais après ?
Le prix de la liberté
Les questionnements sont nombreux. Que peut devenir une femme sans argent, sans diplômes, sans permis de conduite ? Une femme soumise depuis toujours au pouvoir masculin et à la précarité sociale ? Quelles solutions et quels espoirs pour protéger ces femmes-là ? Edouard connait la réponse. Aucune chance. Aucune issue sinon la fatalité de devoir subir, de se taire. Hors de question que sa mère vive cette humiliation. Edouard est aujourd’hui un auteur reconnu qui possède les moyens financiers et intellectuels afin d’extirper sa mère de cette répétition de vie. Monique s’installe dans l’appartement parisien d’Edouard en attendant la plus importante des délivrances : la liberté.
Cette liberté tant rêvée, Edouard et Monique en parlent pendant des heures au téléphone. Ensemble, ils la bâtissent. D’abord trouver une maison. Estimer les besoins matériels. Commander les éléments essentiels, s’organiser, comme un premier envol. Car ce sera la première fois que Monique vivra seule, sans craindre le joug d’un homme, sans entendre des reproches ou des commandements. Une émancipation totale. Mais ce que ces préparatifs joyeux racontent c’est aussi la difficulté pour d’autres femmes de fuir ou de se reconstruire lorsqu’elles sont seules, qu’elles n’ont ni moyen, ni aide et lorsque l’Etat les abandonne.
Comme pour ses précédents romans, Edouard Louis en passant par le prisme de son histoire intime met en lumière le collectif. Il pointe du doigt les manquements et les injustices sociales. Il reprend également un de ses thèmes de prédilection à savoir la violence du quotidien. D’où vient-elle ? Et quels impacts sur les corps et les vies humaines. Les propos sont forts et engagés, ils reconstruisent la dignité d’une femme combative qui découvre enfin la liberté.
Edouard Louis, Monique s’évade, Seuil.