Yannick, un film de Quentin Dupieux
Finis les voyages en absurdie et autres terrains fantastiques pour le réalisateur de Mandibules. Cette fois, Quentin Dupieux s’approche au plus près d’un univers hyper dangereux : le réel. Confiant le premier rôle à Raphaël Quenard, le cinéaste réussit là son meilleur film à ce jour !
Tourné en 6 jours, le dernier opus de Quentin Dupieux nous plonge dans un petit théâtre de boulevard. Il s’y joue une pièce intitulée Le Cocu. Tout un programme… Trois comédiens se donnent la réplique : Pio Marmaï, Blanche Gardin et Sébastien Chassagne. Sans parler d’un texte plus que vaseux, ces derniers font à celui qui joue… le plus mal. C’est pathétique. A tel point qu’un jeune spectateur se lève, excédé, au beau milieu du parterre, et interrompt le spectacle. Il est gardien dans un parking et a dû batailler pour se dégager une journée de repos afin de se changer les idées. Cette pièce de théâtre était vouée à ce challenge. Malheureusement elle ne lui plaît pas du tout. Il demande à voir le responsable, l’auteur qui bien sûr n’est pas là. La discussion s’envenime entre les comédiens et Yannick (c’est lui le jeune homme). Ces derniers le prennent de très haut, faisant valoir l’art pour l’art. Le public ne réagit que moyennement. In fine, Yannick quitte la salle mais revient aussitôt, armé d’un revolver. Le scénario prend alors une toute autre dimension. Cette prise d’otage est en fait pour le réalisateur la porte ouverte pour évoquer notre monde et la violence sous-jacente, ou pas, qui sommeille en chacun de nous. Il aborde également le concept même du fait artistique et de sa soi-disant valeur innée, tout comme celle des artistes et leur complexe de supériorité, bien rée pour le coup… Les dialogues sont aussi simples que percutants et semblent pétris d’un naturel qui vous cloue sur votre fauteuil. Si ce film est tout d’abord l’affrontement entre deux comédiens, c’est aussi une véritable thérapie pour l’acteur principal de la pièce, Pio Marmaï qui, à la suite d’un retournement dont je vous laisse le plaisir de la découverte, va clamer haut et fort… Mais venons-en au séisme Raphaël Quenard, alias Yannick. Séisme pourquoi ? Parce qu’il écrase littéralement de son talent un film pourtant plein à ras bord de qualités. Nous n’oublierons pas de sitôt le regard enfantin et naïf de ce grand gaillard réclamant tout simplement une « justice » qui paraît ici d’une évidence aveuglante. Interrogeant en creux notre rapport à l’art, ce film est un monument de subtilité et de sensibilité, d’émotion et d’humour… noir. A voir absolument !