Le festival d’art urbain Mister Freeze pose ses valises jusqu’au 23 juillet au Port St Sauveur. Voici 10 ans, une première édition voyait le jour au Frigo à Launaguet, sous l’impulsion de son créateur, le graffeur Reso. Aujourd’hui reconnu sur la scène internationale, le quadragénaire se confie sur son rapport à l’art, son parcours indissociable du collectif et sa vision du monde, haute en humanité.
Le 30 juin 2023, Mister Freeze ouvrait ses portes à la Caserne des Pompiers Gênes Lougnon, Port Saint-Sauveur à Toulouse, pour célébrer sa dixième année. Au programme, une exposition de street-art, un shop, une guinguette extérieure, des ateliers d’artistes, des ateliers d’initiation et de pratique artistique pour les amateurs. Depuis le mois d’avril, l’événement est réparti sur 5 sites et 5 dates entre avril et décembre 2023.
Après Montauban et le Circographe à Toulouse avec la présentation des oeuvres de Jace, Enora, Jean-Michel Ouvry, Gamo, Swd, Forma et Soca, place à une troisième exposition Caserne Gênes Lougnon, qui regroupe plus d’une dizaine d’artistes, graffeurs et sculpteurs notamment : « Pour les dix ans explique Cédric Lascours alias Reso, on a créé une application qui fait le lien entre les 5 dates et les 5 sites. Avant, à chaque édition Mister Freeze, les gens repartaient frustrés de n’avoir vu qu’une seule exposition. » Alexandra Perata, en charge des partenariats, des projets et des événements, précise : « Vous scannez avec votre application les QR codes ou les affiches via l’application, vous validez des niveaux ou level, un peu comme dans un jeu vidéo et vous trouvez des trésors. Le visiteur évolue sur une carte. Chaque affiche se transforme sur l’application grâce à la réalité augmentée. Les familles en sont friandes. ». Pour Reso, « c’est tout l’intérêt de célébrer cet anniversaire de manière un peu différente, en donnant au public l’envie d’aller voir plus loin, d’aller chercher l’information, en l’amenant aussi à ressentir cette frustration pour arriver à quelque chose de plus grand derrière. »
Ce festival unique en son genre est devenu un rdv annuel incontournable pour les Toulousains, les artistes émergents et internationaux qui y exposent, les acteurs de l’art urbain et contemporain. Ce qui, il y a quinze ans encore, était considéré comme un art subversif, peu lisible voire trop clivant est aujourd’hui totalement intégré au paysage.
Reso dit être un autodidacte mais sa détermination et son travail ont fait des émules et démontrent aujourd’hui sa capacité à fédérer. Aujourd’hui, si le temps lui manque pour produire à sa guise, il souhaite développer Mister Freeze comme une pépinière d’artistes que l’on place sur des projets. Dans l’équipe de 5 personnes, 3 femmes et 2 hommes dont Cédric Lascours, directeur artistique et Vincent Gatimel, directeur technique, il a réuni des graffeurs expérimentés – Katre, EPS, Wow123 ou Gorg One par exemple – face à de jeunes artistes émergents tout en accordant une place de choix à l’intergénérationnel. « Mister Freeze est un collectif et une résidence d’artistes. C’est une manière pour nous de pouvoir s’isoler, d’être accompagnés dans notre création, avec du matériel, de la communication, des services et un lieu de vie adapté. Pour cette exposition à la caserne, on a vécu deux semaines ensemble, jours et nuits, on a créé les oeuvres sur place, en mélangeant les générations, qui vont de 40-50 ans à 20 ans en moyenne. Quand on voit les artistes en difficulté, on les aide et cette notion de vivre ensemble, c’est vraiment l’ADN de Mister Freeze, comme chez les pompiers finalement ». Le lieu avait donc du sens : « Ici, c’est le petit village dans la ville. Les pompiers habitent sur place, unis et solidaires, ça grouille en permanence. Leur activité les amène autant sur terre que sur l’eau. Là, dit-il en montrant l’immense baleine de Gorg, qui recouvre les murs de la guinguette au bord du Canal du Midi, c’est le côté fluvial. »
Une pépinière d’artistes
Pour rappel, Mister Freeze est un collectif d’artistes qui oeuvre pour la promotion et la diffusion de l’art contemporain et urbain au plus grand nombre. Y travaillent aujourd’hui des peintres, graffeurs, photographes, illustrateurs, graphistes, sculpteurs, webdesigners, réalisateurs… tous engagés et impliqués dans des expositions, des ateliers et performances variés, à destination du grand public. Dans l’exposition, on peut notamment découvrir les sculptures de Mélanie Bourget ou Maxime Piccoli.
En ce moment, Forma et Swd travaillent à la réalisation d’une fresque au sol qui couvrira toute la Place Abbal face à la sortie de métro Reynerie. Un autre projet est en cours au TFC, sous la direction de Mister Freeze, pour rénover le nouveau Centre de formation Toulouse FC, le quatrième en France, inauguré prochainement.
Depuis 2020, le collectif a pris ses quartiers au Hall 82 à Montauban. Reso la voit un peu comme « la ville idéale », pour son cadre et son rythme de vie plus tranquille, son côté plus village, une mentalité fière et chauvine à la fois. Soutenu par de nombreux partenaires publics et entreprises mécènes, à l’instar de la Région Occitanie, la Mairie de Toulouse, le Conseil Général de Haute-Garonne, la Mairie de Montauban, ou encore le Groupe GB, le Parc Aussonne, la Maison de la Peinture, la brasserie Bélier… Mister Freeze lance cette année, sa première résidence d’artistes en centre-ville de Montauban, sur 200 m2.
La préservation de l’environnement, la fraternité, la mixité sont les valeurs intrinsèques du crew. Pour l’exposition Ladies en 2021 au Hall 82, Reso avait mis 20 street artistes femmes à l’honneur dont certaines exposent à Mister Freeze cette année, comme Forma, Swd ou Soca. « Le fait qu’elles soient plus minoritaires font aussi d’elles des artistes plus exigeantes dans leur travail. Pour moi, il n’y a pas de différence, rajoute Reso, j’ai toujours peint avec des filles. »
La force du collectif
Le collectif, c’est surtout une affaire de feeling : « Le travail d’équipe est prenant, je fais beaucoup pour que chacun soit serein et croit en notre collectif, on essaie de maintenir les gens et qu’ils s’y retrouvent à la fois financièrement et dans leur travail. » Mister Freeze fonctionne parce que des gens ont envie de travailler ensemble et s’entraident les uns les autres. « C’est vraiment une histoire d’affinités et d’échanges avec les artistes. ». Beaucoup de projets Mister Freeze sont ainsi en cours pour la rentrée de Septembre et promettent de nombreux événements impliquant le collectif. Une vente caritative des casques peints par les graffeurs est en réflexion. L’exposition Mister Freeze réouvrira à la caserne, aux alentours du 22 septembre.
Le parcours artistique de Reso demeure indissociable de son équipe, qu’il a su fédérer longtemps avant ses dix dernières années. C’est ce qui lui donne la force de nourrir des projets d’envergure. Son rapport à l’art ne date pourtant pas d’hier. A l’âge de 9 ans déjà, il dessinait en classe et n’avait que ça en tête. Alors après un Bac pro et quelques expériences dans le secteur du bâtiment, auprès des jeunes aussi, il s’est lancé avec d’autres pour ne plus jamais revenir en arrière.
L’écriture urbaine est sa marque de fabrique. Ses oeuvres souvent imposantes, alternent entre lettrages, personnages et scènes réalistes. « La lettre est importante dans mon travail, j’ai toujours été attiré par un graffiti sophistiqué et en ce moment j’ai un travail très graphique, un autre sur l’empreinte et le recyclage que je mets en avant au Maroc notamment, car il est adapté à la couleur locale. Avec mon travail sur l’empreinte, je ne pouvais pas travailler sur toile. Lors de la mise en place de cette exposition, il y avait ce piano à disposition. Je l’ai intégré à mon travail débuté au Maroc. J’ai choisi des tapisseries d’Aubusson d’époque à Toulouse, des plans d’origine d’entreprises tarnaises, tout ça en y intégrant mon empreinte, dans l’espoir que les gens retrouvent un jour l’historique de cette empreinte à travers la matière. Dans 30 ans, qui sait, peut-être que le graff n’existera plus, on sera dans le figuratif. La meilleure empreinte demeure dans notre mémoire. Toutes ces choses éphémères que j’ai pu voir et qui m’ont construites… »
A l’origine, l’idée du crew était de créer un festival à son image dans un lieu désaffecté, pour accueillir le public et sensibiliser les gens. Les visiteurs avaient découvert Mister Freeze au Frigo, un ancien site de stockage industriel frigorifique désaffecté et réhabilité, puis à l’Espace Cobalt à Montaudran. Au-delà de rendre hommage aux artistes, Mister Freeze célèbre aussi la mémoire d’un lieu éphémère, voué à disparaître, ou à être réhabilité. La Caserne des Pompiers doit être totalement rénovée, des sols aux plafonds.
Cette démarche artistique soulève évidemment la question de la fragilité humaine autant que picturale, de la mémoire des hommes et des lieux qu’ils habitent, de l’extrême légèreté de l’art et de ce qu’il porte en nous de plus mémorable, l’émotion.
Infos pratiques :
https://expomisterfreeze.com/
contactmisterfreeze@gmail.com
Du mercredi au vendredi de 16h à 20h
et le WE de 11h à 20h
Casernes des Pompiers Gênes Lougnon
Guinguette du mercredi au dimanche de 16h à 22h
Programme des ateliers