Ce samedi 4 février, c’est le retour cette saison du chef Robert Trevino pour un autre concert à la Halle à 20h à la tête de l’Orchestre national du Capitole de Toulouse. Il débute avec le Concerto pour piano et orchestre en sol majeur de Maurice Ravel. Le soliste est le jeune pianiste Tom Borrow. Pour suivre, de Dimitri Chostakovitch, l’immense fresque que constitue la Symphonie n° 11 en sol mineur « L’année 1905 ».
Robert Trevino est ce chef américain venu en novembre 2021 qui nous avait fait forte impression en dirigeant, de Gustav Mahler, la Symphonie n°1 et Blumine. Il devait d’ailleurs diriger la N°8 de Bruckner mais le concert fut annulé suite au confinement. Il nous est revenu plus récemment le samedi 12 novembre avec au bout de sa baguette, la Rapsodie espagnole de Maurice Ravel en ouverture de concert, suivi de Serge Rachmaninov, la Rhapsodie sur un thème de Paganini en la mineur avec pour soliste, la jeune pianiste Marie-Ange Nguci et pour clore, un des poèmes symphoniques pour grand orchestre de Richard Strauss parmi les plus réputés, Une vie de héros. Un concert enthousiasmant.
Tom Borrow est un tout jeune pianiste, né à Tel Aviv en 2000. Il a commencé à étudier le piano à l’âge de 5 ans dans la classe de Michal Tal, avec qui il a étudié pendant 10 ans au Conservatoire de musique de Givatayim. Tout au long des nombreuses masterclasses auxquelles Tom a participé, il a eu le privilège de travailler sous la direction d’artistes et de pédagogues éminents tels que Murray Perahia, Alexander Korsantia. Tom a remporté plusieurs concours, dont le premier prix au « Concours des jeunes artistes » de la radio israélienne et du symphonique de Jérusalem à Jérusalem ainsi que trois premiers prix au concours national « Piano Forever » à Ashdod, dans trois catégories d’âge différentes.
On n’a donc pas été étonné de retrouver sous les doigts de Tom Borrow, un soir de Piano aux jacobins 2021, la très facile, si l’on peut dire !! Sonate n°6 en la majeur de Serge Prokofiev. Elle venait après Chopin et sa Fantaisie en fa mineur op.49 suivi de Polonaise-fantaisie op.61 et le Prélude et Fugue n° 15 de Chostakovitch. Un programme cinq étoiles à l’évidence.
Il interprète ce soir le Concerto pour piano et orchestre en sol majeur de Maurice Ravel.
I. Allegramente
II. Adagio assai
III. Presto
Durée ∞ 22’
Un compositeur célèbre, une création triomphale le 14 janvier 1932 aux Concerts Lamoureux, à la salle Pleyel, avec Marguerite Long au clavier, dédicataire de l’œuvre, et le compositeur sur l’estrade. L’esprit français par excellence. Il reflète l’atmosphère de l’époque. C’est un peu la France qui regarde l’Amérique, son rythme de vie trépidant, son folklore. À la radio, d’époque !! le jazz déferle. De son concerto en sol, Ravel a dit : « C’est un concerto dans le sens le plus exact du terme. » Il voulait l’intituler « Divertissement ».
Avec un travail de forçat à la clé. Il lui aura fallu deux ans pour venir à bout de cette œuvre apparemment facile, commencée et achevée pratiquement en parallèle de son Concerto pour la main gauche, les deux apparaissant comme une sorte de Janus symbolisant l’essence de l’art du compositeur, les deux ayant subi l’influence du contact avec la vie américaine lors d’un voyage de Ravel de plus de cinq mois, mais avec une traduction aux antipodes. Un concerto de caractère clair, chantant, diurne, à l’écriture pianistique brillante, une séduisante orchestration, le tout cousu avec une suprême élégance s’opposant à l’autre partition, qui se révèle sombre et tragique, où tout est tension.
Un détail original : Ravel aurait souhaité créer au piano son concerto mais, il se rend compte qu’il n’a pas la virtuosité suffisante et doit laisser la première exécution à Marguerite Long !! Et prend la baguette, même si sa direction d’orchestre ne fait pas se pâmer les phalanges qu’il dirige.
Anecdote toujours : Avec sa pianiste, ils partiront pour une tournée d’une vingtaine de villes, triompheront dans chacune, et le Finale presto sera bissé à chaque fois. Partout, on en célèbre l’esprit français étincelant. On loue ses audaces harmoniques et rythmiques à l’intérieur d’un cadre traditionnel et sa merveilleuse inspiration fantaisiste et poétique. Côté orchestre, se remarque le côté plutôt virtuose de la partie des vents. Et on surveillera les trompettes ! façon de parler car à l’OnCT, nous sommes complètement rassurés. Il reste le concerto français pour piano le plus joué dans le monde.
Symphonie n°11, en sol mineur, “l’année 1905“, op. 103
I. Adagio “La Place du Palais“
II. Allegro “Le 9 janvier“
III. Adagio “Mémoire éternelle“
IV. Allegro non troppo “Le Tocsin“
Durée ∞ 60’ (15-18-12-15)
Création le 30 octobre 1957 à Moscou par l’Orchestre Symphonique d’État de l’URSS, sous la direction de Natan Rakhlin. Et le 3 novembre , ce sera à Léningrad avec Evgueni Mravinski.
« Bien qu’intitulée “L’année 1905”, [la 11e symphonie] se rapporte à un phénomène actuel : il y est question du peuple qui a perdu la foi. Car il y a vraiment eu trop de crimes commis ». D. C.
Effectif orchestral : il est relativement fourni, environ quatre-vingt dix musiciens avec les pupitres habituels des cordes (cela peut aller au-delà de 60, surtout un maximum de contrebasses) et aussi des vents ou bois et cuivres, mais de nombreuses percussions. Normalement, quatre harpes, ou deux.
« En fin de compte, tout est dit dans ma musique. Elle n’a pas besoin de commentaires historiques ni hystériques. »
L’œuvre est dédiée à la Révolution de 1905. En empruntant pour matériau mélodique des chants révolutionnaires, sa création en 1957 déchaîna un tonnerre d’acclamations. La tragédie évoquée se rapproche étonnamment des événements de Hongrie de 1956. Les distinctions nationales vont affluer, dont le Prix Lénine. À l’étranger, le compositeur est investi membre d’honneur de l’Académie Sainte-Cécile de Rome. Il est gratifié du titre de docteur honoris causa décerné par l’Université d’Oxford. Il reçoit le Prix Sibelius. Tous ses ennuis au quotidien s’évaporent comme par enchantement. Dans une résolution publiée dans la fameuse Pravda, on peut lire : « Sur la rectification des erreurs, il est décrété que les jugements porté sur Dimitri Chostakovitch sont injustes et infondés, n’émanant que de l’avis subjectif en matière d’art de Staline. » Ce sera pareil pour d’autres proches du musicien. Et ce sera le dernier revirement de situation pour Dimitri, définitivement favorable. Entre l’opprobre et la gloire, ce sera le devant de la scène jusqu’à sa mort, dix-huit ans plus tard, non sans quelques blessures encore.
La construction de la Onzième est unique dans son genre dans toute la musique contemporaine. Le compositeur s’est largement écarté des conventions. Nous sommes en présence d’un gigantesque poème symphonique. Certains parleront de “musique de film, sans film“ La structure suit de près le programme. Malgré la présence des quatre mouvements, qui sont donnés sans pause, on a l’impression, à l’écoute, qu’il y en a davantage. Les images musicales sont en fait d’une immédiateté et d’une simplicité peu communes, même chez un compositeur de la trempe de Chosta. Des thèmes d’emprunt dispersés à travers toute l’œuvre s’opposent à des motifs originaux. Deux d’entre eux Tsar, notre père et Découvrez-vous vont servir d’assise. Ce sont deux mélodies parmi d’autres empruntées au folklore révolutionnaire. Neuf chants seront cités dans le cours de l’ouvrage.
Chosta suit fidèlement la narration des événements tragiques du fameux Dimanche sanglant de la Révolution de 1905, au cours duquel les masses populaires affamées se pressèrent devant les grilles du Palais impérial de Saint-Pétersbourg, avec le pope Gapone à leur tête, et l’effroyable massacre qui s’ensuivit. Las de l’optimisme obligé du réalisme socialiste stalinien, c’est l’occasion pour Chosta de se décharger d’une cohorte de malheurs qui l’oppressent. Semblant complètement libéré de toute entrave, sa créativité va commettre un chef-d’œuvre tragique, à nu. Mais que se passait-il alors en cette période ? Le nouveau secrétaire général du Parti, un certain Nikita Khroutchev dénonce lors du XXè Congrès de 1956, les crimes de Staline et les déviations du “Culte de la personnalité“, ce qui ne mange pas de pain. Cependant, à Budapest, l’insurrection gronde, réprimée par les chars…soviétiques.
Côté culture, une certaine tolérance s’installe. C’est la période du “dégel“. Les camps de déportation s’ouvrent peu à peu. Même le pire d’entre eux, celui de Kolyma, au fin fond de la Sibérie, avec ses millions de morts, évolue. Certains écrivains réputés comme la poétesse Anna Akhmatova ou l’humoriste très populaire Mikhaïl Zochtchenko peuvent à nouveau publier. Mais c’est encore le temps chéri pour certains de nos compatriotes, acteurs, écrivains, comédiens……d’encenser toujours le paradis que constitue l’URSS de Staline d’abord et de Kroutchev en suivant, n’est-ce pas Aragon, Triolet, Montand, Signoret et autres tartuffes du genre Maurice Thorez, Gaston Plissonnnier , deux vrais spécialistes des purges au sein, alors, du PCF?!…Mais revenons à Chosta.
Analyse simplifiée des mouvements : cliquez ici.
Orchestre national du Capitole