Sosie non-officiel du Père-Noël façon rock’n roll, Joël Bardeau fait partie de ces artistes inclassables qui touchent à tout avec bonheur et font de l’Art le règne du protéiforme. Photographe bien sûr, il est aussi auteur et metteur en scène qui sublime les modèles avec son Hasselblad, ses pinceaux, ses huiles et surtout sa grande générosité. Portraits, Autoportraits, Nus, corps figés, corps en mouvement, Joël Bardeau collabore avec de nombreux artistes pour mettre au monde des clichés qui ne sont pas clichés. Rencontre.
Joël quelle est votre journée type ?
Surtout pas d’horaires fixes tout en essayant d’éviter au maximum les contraintes non désirées. Le reste du temps, je le consacre à la création, aux collaborations artistiques, aux rencontres, à ma famille, à penser sans rien faire de particulier.
Quel est votre sujet de prédilection ?
Pour faire court je dirais que tout tourne autour de l’humain
Diriez-vous que votre travail est monotone ?
Ce serait vraiment malheureux si je trouvais mon travail monotone, j’ai travaillé dur toute ma vie pour justement profiter pleinement et intensément de chaque jour en accueillant un maximum de surprises par mes rencontres et la création.
Quels liens entretenez-vous avec vos modèles ?
Je ne dis pas modèle mais « personne avec laquelle je collabore », je ne peux pas créer s’il n’y a pas d’abord de vrais échanges, si je ne ressens pas de l’empathie pour l’autre. Je pense personnellement que le fait de travailler avec une autre personne que soi influence directement le travail et donc le résultat final. Pour moi ceux que l’on nomme modèles ont une part importante dans la signature de l’œuvre, sans eux le tableau serait bien vide.
Quel est votre rapport au Beau ?
C’est une question qui ouvre sur une multitude de réponses possibles, c’est malgré tout une notion vraiment abstraite et qui est tellement propre à chaque individu. Pour ma part, je dirais que ce que je trouve beau, c’est ce qui m’émeut, qui m’offre une sensation de plaisir : intellectuel, physique etc… En essayant autant que possible de ne pas être soumis aux diktats de l’esthétique.
Avant la photographie, votre première partie de vie était déjà dédiée au corps humain. Racontez-nous ce parcours et la transition vers l’Art.
Une carrière professionnelle vécue au sein du monde chirurgical. J’ai travaillé pour des entreprises hautement spécialisées dans la fabrication et la distribution de dispositifs médicaux dédiés à la chirurgie, j’ai eu la chance de participer directement à quelques révolutions techniques qui ont contribué à transformer radicalement la chirurgie dans de très nombreuses spécialités. Puis j’ai créé mes propres entreprises dans ce même domaine en me spécialisant principalement dans le traitement de la paroi abdominale, le traitement des grands brûlés et la chirurgie du sein. Mon métier était en rapport direct avec le corps humain tous les produits étant destinés à des patients opérés, ce métier m’a fait côtoyer au sein des blocs opératoires les équipes chirurgicales de différentes spécialités, ma vie professionnelle a été jalonnée de merveilleuses rencontres humaines, j’ai compris au sein de ce métier ce que le mot dévouement pour les autres veut dire.
Pourquoi le corps nu ?
Tout d’abord je dois vous dire que, jeune homme, j’ai suivi aux Beaux-Arts pendant trois ans les cours du soir de modèle vivant (dessin de nu à vue) dirigés par Monsieur Espinasse, là j’ai appris à dessiner le modelé et les raccourcis d’un corps sous tous les angles, cet éveil à la beauté naturelle du corps m’a permis très tôt de pouvoir considérer le corps comme une enveloppe qui nous abrite le détachant ainsi d’interprétations d’ordre moral ou sexué. Le corps nu est pour moi symbolique : il nous expose sans défense tel que nous sommes.
Autoportrait : lucidité, narcissisme, exhibitionnisme ? Expliquez-nous comment vous êtes devenu l’un des sujets de vos clichés ?
Je suis venu à l’autoportrait sur le tard quand j’ai compris l’utilité bénéfique de cet angle de vue sur soi-même. L’autoportrait permet tout, il peut tout exprimer : la fragilité, les douleurs, les secousses intimes, les peurs, les joies, les délires, les fantasmes, les malaises, les incertitudes, la résilience etc… C’est une transgression qui amène à mieux se connaître et à s’accepter tel que l’on est, c’est une forme de psychothérapie ; c’est un regard intérieur.
Quelles sont les qualités essentielles pour être photographe d’Art ?
Ne pas avoir peur d’essayer d’exprimer ses pensées au travers de cette boîte magique qu’est l’appareil photo.
Quelle est la part du numérique dans votre travail ?
75% de numérique et le reste argentique et Polaroïd, mais j’ai de plus en plus envie de revenir bien plus souvent au temps long que permettent l’argentique et les procédés anciens.
Êtes-vous amené à voyager souvent dans le cadre de vos prises de vues et expositions ?
J’essaie autant que possible de réduire les déplacements (j’ai eu dans le passé professionnel une grosse empreinte carbone…)
Un parcours idéal pour devenir photographe ?
Je pense que tous les chemins sont bons mais c’est avant tout d’être vraiment passionné car c’est un métier difficile à l’heure actuelle. Aujourd’hui il y a des écoles dédiées qui en facilitent l’apprentissage.
Si vous deviez changer de métier ?
Je ne changerais rien ou alors il faudrait que je reparte au tout début en sachant bien évidement tout ce que je sais aujourd’hui…
Un artiste : Julien Soone, Fred Manenc
Un livre : En ce moment Suzan Sontag essai « Sur la photographie »
Un film : Sacré Graal
Une chanson : Jacques Higelin chante »Verlaine »
Un rêve artistique:
Je réalise en ce moment un livre d’art avec mon amie Chanelle Varinot et Marie-José Fourtanier : « VIBRATION(S) ». Le prototype est terminé, c’est un livre entièrement fait main, toutes les photos sont de vrais tirages, l’ensemble est présenté sous forme de Leporello qui inclut pour chaque chapitre individualisé un texte poétique et trois photos. Il y aura seulement dix exemplaires ‘collector’ sous cette forme, ensuite nous réaliserons un tirage imprimé en série limitée pour toucher davantage de monde. Les pré-commandes sont ouvertes.
Mon autre projet qui lui est toujours en cours de réalisation est un livre d’art photographique sur « L’enfer de Dante », là aussi ce sera en collaboration avec mon amie Marie-José Fourtanier à l’écriture.
Un endroit à Toulouse : les berges de Garonne devant les Beaux-arts
Joël Bardeau
tel: +33 6 07 35 20 82
joel.bardeau@gmail.com
www.joelbardeau.com
Entretien réalisé par Karine Satragno
Joel Bardeau