Ce lundi 26 septembre, l’auditorium Saint-Pierre des Cuisines renouait enfin avec ces rencontres attendues de musique de chambre animées par les membres de l’Orchestre national du Capitole, Les Clefs de Saint-Pierre. Ce premier concert de la saison a attiré un public nombreux, sensible à l’atmosphère chaleureuse de ces moments d’intimité partagés avec des acteurs particulièrement motivés. Il faut dire aussi que Mozart constituait le meilleur des arguments de ce retour.
A la suite de l’introduction de bienvenue d’Edwige Farenc, la Présidente de l’association Internotes qui gère cette saison, trois musiciennes bien connues des habitués investissent la scène de l’auditorium. Elles animaient déjà le dernier concert Beethoven de la saison précédente, en mai 2022. La violoniste Laura Jaillet, l’altiste Laura Ensminger et la violoncelliste Aurore Dassesse partagent cette complicité musicale si précieuse dans ces circonstances. Elles consacrent la première partie de cette soirée à un véritable monument de la musique de chambre, le Divertimento KV 563 en mi bémol majeur de Mozart. Les six mouvements de cette vaste partition évoquent irrésistiblement le développement d’une riche conversation entre ami(e)s. A cet égard, on admire le bel équilibre instrumental que les interprètes maintiennent tout au long de leurs échanges. Diversité et subtilité des phrasés caractérisent le long Allegro initial.
Ce dialogue à trois s’accompagne d’un vibrato judicieusement mesuré. L’Adagio qui suit délivre un chant d’une grande beauté, d’une profonde émotion. La vive animation du premier Menuetto laisse la place à la conversation parfois animée de l’Andante, pris dans le juste tempo d’une marche paisible. Les musiciennes colorent le second Menuetto d’un esprit souriant et même d’un certain humour. L’émotion transparaît dans le lyrisme léger de l’Allegro final. Sous le titre un peu trompeur de Divertimento la partition ainsi abordée révèle toute la profondeur d’une expression particulièrement touchante.
Pour la seconde partie, les trois instrumentistes à cordes sont rejointes par le hautboïste Louis Seguin, soliste bien connu et apprécié de l’Orchestre national du Capitole. Les quatre complices s’attaquent alors à une partition rare du compositeur britannique Benjamin Britten, son Phantasy Quartet opus 2. Ce fut son dédicataire, l’illustre hautboïste anglais Leon Goossens, qui en assura la création en 1933. Cette courte pièce de prime jeunesse constitue une belle découverte pleine de contrastes et d’une étonnante richesse harmonique. L’œuvre, construite en arche, naît furtivement du silence pour finalement y retourner. Le hautbois soliste émerge d’un pianissimo impalpable énonçant le thème principal qui sera la source de développements variés et contrastés.
Magnifiquement accompagné par les cordes, le jeu de Louis Seguin fait ici merveille. Le musicien réalise une véritable performance faite de nuances extrêmes. La puissance colorée de son émission alterne avec d’impalpable aigües pianissimi qui évoquent ceux d’une voix humaine. Son jeu s’intègre parfaitement dans le cocon des cordes tout en participant à la tension extrême qui parcourt toute la pièce.
Les mêmes qualités musicales se retrouvent dans le Quatuor avec hautbois KV 370 en fa majeur de Mozart qui complète le programme. Dès l’Allegro initial, les quatre interprètes échangent avec succès leurs complémentarités. Débauche de nuances, finesse des phrasés caractérisent leur discussion. On admire en particulier la facilité avec laquelle Louis Seguin passe d’un staccato acéré à la souplesse d’un legato. Après la joie pimpante de l’Allegro initial, la douceur de l’Adagio offre au soliste une belle cadence, alors que le Rondo final pétille de traits virtuoses pour tous les interprètes.
L’ovation enthousiaste du public qui salue la prestation finit par obtenir un bis très particulier. Il s’agit d’une transcription du thème principal, Le Hautbois de Gabriel (Gabriel’s Oboe), signé Ennio Morricone pour le film de 1986 Mission réalisé par Roland Joffé. La transcription est due à Christopher Waltham, présent ce soir-là, qui fut violoncelliste au sein de l’Orchestre national du Capitole et qui excelle dans ce genre d’exercice.
Une brillante ouverture de saison en forme de renouveau !
Serge Chauzy
une chronique de ClassicToulouse
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