Chaque mercredi, on rend hommage à un grand classique du cinéma. A voir ou à revoir.
Le Guépard de Luchino Visconti
« Quelque chose devait changer pour que tout reste comme avant » : cette phrase, plusieurs fois déclinée durant le film, est restée culte tout comme la scène du bal (d’une durée de 45 minutes) célébrant l’union entre Tancrède Falconeri et Angelica Sedara dans un palais de Palerme. Le Guépard, d’après le roman éponyme de Lampedusa, débute en mai 1860. Les troupes du républicain Garibaldi débarquent en Sicile, une nouvelle Italie est sur le point de naître. Le prince Salina observe cela avec résignation. La vieille aristocratie doit s’allier avec la bourgeoisie montante afin de sauver ses positions. L’union de son neveu chéri Tancrède, un temps acquis aux Garibaldiens, avec la fille d’un notable parvenu scellera cette mutation socio-politique.
La Palme d’or de 1963 est l’une des œuvres phares de Luchino Visconti. Le film frappe d’abord par son casting avec le choix audacieux de la star hollywoodienne Burt Lancaster pour incarner l’aristocrate vieillissant. L’acteur de Tant qu’il y aura des hommes, Vera Cruz ou Trapèze n’a pas cinquante ans au moment du tournage et il est plus connu pour ses performances physiques que pour des compositions introspectives, mais il donne au prince Salina une épaisseur poignante. A ses côtés, les flamboyants Alain Delon et Claudia Cardinale sont entourés de seconds rôles impeccables : Paolo Stoppa, Romolo Valli, Serge Reggiani ou Mario Girotti qui deviendra célèbre dans un autre registre et sous le pseudonyme de Terence Hill…
Fin d’un monde
Difficile de ne pas identifier Visconti, issu d’une illustre famille de l’aristocratie milanaise, au personnage du prince contemplant la fin d’un monde – et à travers celle-ci sa propre fin – avec élégance et mélancolie. Bien que marxiste, le cinéaste ne croyait guère au romantisme des lendemains qui chantent, sachant trop que les révolutions ne sont en général qu’une « substitution de classe ». A cheval entre deux époques, n’ayant sa place dans aucune, Salina constate : « Nous fûmes les guépards, les lions. Les chacals et les hyènes nous remplaceront. »
Par sa mise en scène classique, Le Guépard a mieux vieilli que d’autres films du maître encombrés par l’utilisation démonstrative du zoom avant. Il est aussi son film le plus proustien, avec son dernier long-métrage L’Innocent, et donne une idée de ce qu’aurait pu être son projet d’adaptation de La Recherche. Reste cette œuvre à la fois solaire et crépusculaire dont la dimension funèbre est tempérée par l’éclatante beauté de la jeunesse.
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