Le 3 mars, à 20h, ce sera Michael Spyres, surnommé le “bariténor“ accompagné au piano par Mathieu Pordoy. Il chante quelques mélodies du Monsieur Crescendo, un certain Gioacchino Rossini. Suivra le 8 mars, à 12h 30, la jeune soprano Marie Perbost accompagnée par le pianiste Nicolas Chesneau dans un programme très éclectique avec airs d’opéras et chansons françaises.
Michael Spyres, un jeune américain né dans cette Amérique dite profonde qui a très vite compris qu’il fallait fouler le sol européen. Guère adepte des tessitures chevillées à la gorge, il se fait fort de remettre le chanteur, ou la chanteuse à sa place, intarissable sur les “gosiers“ du passé. Muni d’un ambitus capable de parcourir plus de deux octaves et demie, le voilà lui-même bien difficile à classer. Il fait donc partie de ces chanteurs qui, par l’amplitude de leur tessiture et de plus, par leur agilité et souplesse vocales, une virtuosité confondante, rentrent difficilement dans les cadres décisionnaires. Voilà donc un bariténor qui, comme il se plaît à le rappeler, dès l’ère baroque, « pouvait rivaliser avec les castrats parmi les plus illustres et même les dépasser ». Michael Spyres n’hésite donc pas à se proclamer héritier de Jean-Blaise Martin, chanteur du XVIIIè qui donna son nom au fameux baryton Martin.
Michael Spyres semble aussi porter grande attention au créateur du Tristan de Wagner, le dénommé Ludwig Schnorr von Carosfeld qui s’épuisa sur le rôle de Tristan mais qui chantait aussi Don Ottavio dans le Don Juan, en même temps, et qui prenait aussi des cours avec un professeur de chant, spécialiste alors pour… baryton !! Un éclectisme qu’admire notre artiste……résultat, il chante des extraits de Tristan à Lyon le 14 février après avoir participé au Requiem de Verdi le 4 !! et Rossini ( ce programme, le 2). Épargnons-nous 2021. Quelle boulimie……
Le bonhomme ayant un fort tempérament, a décidé d’assumer de ne pas choisir : ni tenore di forza, ou di grazia, ni baryton, ou plutôt, et ténor et baryton. La partition d’abord et les cordes vocales ensuite, ou peut-être le contraire. Mais avec une voix pareille, où est donc le problème ? ET parler d’audace pour vouloir affronter des registres opposés, je dirais plutôt des registres qui se succèdent. Après, surtout ne pas oublier que la voix, d’accord, mais il y a aussi toute l’intelligence mise dans l’interprétation de ce que l’on chante. Et, sur ce point précis, il ne semble pas que Michael Spyres ait besoin de faire quelques stages au Cours Florent. Au bilan, le répertoire qui s’ouvre à ses yeux est impressionnant et, périlleux.
Les mélodies de Gioacchino Rossini, un des maîtres du bel canto, celles dites Péchés de vieillesse écrites en fin de vie, et quelques autres publiées auparavant notamment les Serate musicali, ces mélodies vont sûrement nous faire la démonstration de l’étendue de son talent car voilà bien que chacune d’elles est un piège et pour le chanteur, et pour le pianiste. Chacun de ces “bijoux“ est un monument. Le plaisir de leur découverte sera total, leurs difficultés faisant qu’on les entend si rarement. L’ensemble appelé Péchés de vieillesse comporte « quatorze volumes de pièces composées entre 1857 et 1868, année de sa mort, bien loin de la création de son dernier opéra, Guillaume Tell daté de 1829. Certaines sont instrumentales, souvent destinées au piano, mais aussi à des effectifs de musique de chambre (« Une larme » pour violoncelle et piano, vol. 9). D’autres sont vocales (de une à huit voix), en italien ou en français. Rossini ayant refusé de les éditer, quelques-unes parurent à titre posthume au XIXe siècle.
Mais l’ampleur de l’entreprise fut révélée dans les années 1950 seulement, quand la Fondation Rossini en lança la publication. Le compositeur avait commencé les Péchés à son retour en France, après plusieurs années passées à Bologne. Dans sa maison de Passy, il partageait avec ses amis ces pièces parodiques et humoristiques (dimension qu’on ne perçoit cependant qu’en connaissant les œuvres moquées et les codes musicaux en vigueur), pas toujours aisées d’exécution en dépit d’intitulés qui semblent sortir de la plume d’un Erik Satie. Il arriva que Rossini compose un morceau pour une circonstance officielle, comme le « Chœur de chasseurs démocrates » pour voix d’hommes, tam-tam et deux tambours (vol. 2). De nombreux titres témoignent de son esprit farceur, bien que la musique soit parfois fort sérieuse : Album pour les enfants adolescents (vol. 5) qui contient entre autres « Valse lugubre », « Ouf ! les petits pois », « Hachis romantique » ; Album pour les enfants dégourdis (vol. 6) qui s’ouvre sur « Mon prélude hygiénique ».
Le programme de ce menu rossinien est construit avec des mélodies qui, allant crescendo comme son appellation, conduisent de l’ombre vers la lumière.
Bien sûr, se glisseront quelques parenthèses musicales distillées par Mathieu Pordoy, chef de chant et brillant pianiste d’accompagnement, partenaire privilégié de Michael Spyres aux quatre coins de la planète, ainsi que de Sabine Devieilhe. Il a enregistré un album de mélodies accompagnant Marina Rebeka, l’incomparable Norma au Capitole.
L’âme délaissée
Élégie (« Adieux à la vie ») sur une seule note
Roméo
Un rien pour Piano (N11 en Ré b Maj)
Élégie « Au chevet d’un mourant »
L’ultimo Ricordo
L’Esule
Un rien pour piano (N21 en Fa # min)
Le Lazzarone
L’Invito
Nizza
Barcarole pour piano
L’Orgia
La Danza
Addio ai Viennesi.
Marie Perbost est dans nos murs pour incarner l’un des rôles – phares de l’ouvrage de Rameau, Platée, à savoir le personnage de la Folie qui hérite d’une partition plutôt rocambolesque qui exige qualités vocales indéniables et une certaine dose d’humour. Incarnation peut-être plus facile si l’actrice-chanteuse elle-même présente ce petit grain de folie alors bien utile. Mais, disons-le, la toute jeune encore Marie Perbost rafle la mise à chaque apparition sur scène. Elle interprète le rôle travesti d’Antonio puis celui de la Comtesse, et elle est parfaite dans ces deux rôles. C’était, il y a peu, dans un Richard Cœur de lion de Grétry. Elle est aussi chaleureusement applaudie dans un Retour d’Ulysse en sa patrie, de Monteverdi, là encore dans les deux rôles défendus en tant que soprano. Dans cette production, elle était au côté de Filippo Minaccia, une hautecontre, discret, que j’ai en très haute estime.
Il y a quelques semaines, elle fut “impeccable“ en Pamina de La Flûte sur la scène du Théâtre du Capitole, portant à ravir une robe pourtant pas évidente ! À propos de son Midi du Capitole, le 8 mars, reprenons ce qu’elle pouvait nous annoncer en toute candeur : « Vous l’ignoriez peut-être mais vous venez de monter à bord d’un train, une sorte d’Orient-Express saugrenu et musical ! Lancé à toute vapeur, il partira de forêts tchèques et fera toutes sortes de détours. Mais c’est une promesse, il vous conduira à bon port : au pied de la Tour Eiffel. » Un programme varié, assurément, fort bien fourni, et donc débutant par des mélodies d’ailleurs pour se conclure par des chansons bien de chez nous. Tout cela accompagné par le pianiste Nicolas Chesneau, musicien complet car aussi claveciniste, chanteur, choriste à l’occasion, et surtout chef de chant, ayant étudié la direction d’orchestre. En un mot, Nicolas Chesneau s’ennuie tout seul en face de son piano. On est admiratif.
Sur YOU Tube, Nommée dans la catégorie « Révélation, artiste lyrique » des Victoires de la Musique Classique 2020, la soprano Marie Perbost chante l’Air des Bijoux extrait du Faust de Gounod, avec le pianiste Emmanuel Olivier.
Au bout de cette prestation d’une heure environ, vous comprendrez mieux pourquoi vous ne pouvez rater cet ouvrage de Rameau, Platée, pour cinq jours à l’affiche.