Après une année blanche imposée par la crise sanitaire, c’est à la saison des feuilles mortes que revient Jazz en Comminges, le festival 2021 étant exceptionnellement déplacé du pont de l’Ascension au week-end de la Toussaint. L’automne de la renaissance pour une manifestation qui rassemble 15 000 spectateurs à Saint-Gaudens à chaque édition, la cité commingeoise devenant l’espace de quelques jours le point de ralliement de tous les fans de jazz de la région. Un retour très attendu et dignement fêté par une programmation fidèle à la formule qui a fait son succès : grands noms de la scène nationale et internationale, talents émergents, tradition et innovation. IN ou OFF, il y en a pour tous les goûts. Suivez le guide…
18e édition de Jazz en Comminges du 28 octobre au 1er novembre
Cordes et voix au cœur du IN au Parc des Expositions du Comminges
Les instruments à cordes sont à l’honneur dans la programmation du IN, le concert d’ouverture du jeudi 28 octobre étant l’illustration parfaite de cette tendance. À 20h30, les guitaristes Biréli Lagrène et Sylvain Luc montent sur la scène du Parc des Expositions pour reformer leur duo créé il y a plus de vingt ans. Une collaboration entamée avec Duet, album de légende qui s’était écoulé à 70 000 exemplaires à l’époque. Les retrouvailles entre le Manouche et le Basque, musiciens surdoués et techniciens hors pair, sont d’ores et déjà un des grands moments du festival 2021, à cocher d’office sur l’agenda de tous les amoureux de la guitare.
Le retour à Saint-Gaudens de Thomas Dutronc et ses musiciens met encore la guitare en vedette lors du second concert de la soirée. L’un de nos plus célèbres enfants de la balle continue de creuser son sillon au gré d’une carrière commencée, entre autres, en participant au Gipsy Project de… Biréli Lagrène. Guitariste devenu chanteur « par accident » comme il aime à le rappeler lui-même, Thomas Dutronc va se produire en quintet à 22h30 avec un programme largement inspiré de Frenchy, son 4e album paru en 2020. Une vingtaine de chansons françaises datant pour la plupart du siècle dernier, réarrangées par ses bons soins. La « French touch » du festival 2021.
Un trio à cordes d’exception est programmé vendredi 29 octobre. Le public saint-gaudinois y a rendez-vous à 20h30 avec le violoniste Jean-Luc Ponty, le guitariste Biréli Lagrène (encore lui) et le contrebassiste Kyle Eastwood (autre talentueux « fils de »). Trois grands musiciens réunis autour de la volonté commune de se confronter à un répertoire de standards et de compositions personnelles pour un des projets musicaux les plus originaux et les plus excitants des dernières années. Découvrir sur scène l’alchimie inédite entre les quatorze cordes de ces aventuriers du jazz est incontestablement une des curiosités de la 18e édition du festival.
Changement d’ambiance et de génération à 22h30 avec la première apparition d’Anne Paceo à Jazz en Comminges. La jeune batteuse, chanteuse et compositrice, élue artiste de l’année aux Victoires du Jazz 2019, est une des figures de proue de la nouvelle scène jazz française. Cette musicienne éclectique a déjà fait paraître sept albums, tous aussi singuliers les uns que les autres. Bright Shadows, le sixième d’entre eux, constitue le programme du concert qu’elle donne en seconde partie, le 29 octobre, avec ses cinq musiciens. Une fin de soirée pour les amateurs d’atmosphère introspective et poétique.
Pour le premier concert du samedi 30 octobre à 20h30, le IN accueille une autre jeune chanteuse et compositrice, qui s’accompagne au piano celle-ci. L’Australienne Sarah McKenzie va faire également ses débuts sur la scène du Parc des Expositions avec quatre musiciens (basse, guitare, batterie, saxophone) lors d’un concert entièrement dédié à Secrets of my Heart, son dernier album en date paru il y a deux ans. Un programme où cohabitent des compositions personnelles aux accents jazz et bossa nova, et des reprises de thèmes de films célèbres comme You only twice (John Barry) ou You must believe in spring (Michel Legrand). Une musique du bonheur.
Faut-il le rappeler encore, Kyle Eastwood est le fils d’un cinéaste qui lui a offert la plupart de ses rares apparitions à l’écran. Si l’aîné des enfants du grand Clint a ensuite suivi la voie de la musique et du jazz, son amour pour le cinéma est resté intact. C’est donc tout naturellement qu’il a imaginé Cinématic, un programme réunissant ses deux passions autour de thèmes réactualisés de classiques du septième art tels que Gran Torino, La Panthère rose, Skyfall ou Taxi Driver. Pour son concert à 22h30, le contrebassiste a invité, outre quatre de ses musiciens habituels, les chanteurs Camille Bertault et Hugh Coltman.
La dernière soirée du IN, dimanche 31 octobre, débute justement à 20h30 avec Hugh Coltman, un fidèle du festival. Le chanteur britannique y reprend son programme « Who’s happy ? », titre emprunté à un album enregistré il y a quelques années à la Nouvelle-Orléans. Un retour aux sources du jazz et du New Orleans, matiné de swing, de soul et de rhythm’n’ blues, sublimé par la voix rauque et sensuelle de cet Anglais exilé en France. Coltman est accompagné sur scène par un solide septet (piano, batterie, guitare, soubassophone, trombone, trompette, saxo/clarinette). Après la French touch, la touche de charme « lovely and so british » de ce 18e festival.
En clôture du IN 2021 à 22h30, une imposante formation va monter sur la scène du Parc des Expositions. Le Big Band Brass, fondé et dirigé depuis vingt ans par Dominique Rieux et David Cayrou, présente à cette occasion son nouveau spectacle NOLA SPIRIT BIG BAND, ode à la Nouvelle-Orléans d’aujourd’hui au travers d’arrangements et compositions originales. Un hommage à cette musique de la joie de vivre pour lequel l’orchestre a invité le chanteur Gead Mulheran et la danseuse Angie Larquet. L’énergie communicative du jazz New Orleans pour une dernière soirée du IN qui a toutes les chances de se terminer dans la liesse générale.
Le OFF au centre de Saint-Gaudens, du 30 octobre au 1er novembre
Le OFF du festival s’installe au centre de Saint-Gaudens depuis l’édition 2017. Cette année, un seul lieu de ralliement pour les jazzfans, Le Cube situé au 2 place du Foirail. Hormis la grosse dizaine de concerts programmés dans cette salle, Jazz en Comminges propose, comme le veut la tradition, une masterclass et une exposition-photos. Autre principe désormais bien ancré, une navette gratuite est mise à la disposition des festivaliers par la communauté de communes du Saint-Gaudinois pour assurer le trajet entre le centre de Saint-Gaudens et le Parc des Expositions où se tiennent tous les concerts du IN.
La programmation du OFF 2021 au Cube
Le OFF ouvre samedi 30 octobre dès 10h30 avec le groupe Gamm’s dont le répertoire est constitué de nombreux standards de jazz issus des riches années 1940-1960. Un seul crédo pour ce sextet, la recherche constante de l’équilibre rythmique le plus parfait : le « Groove ».
Le même jour à 14h, le groupe Hozka, formé par la pianiste Margot Chapuis et le batteur Charlie Patercq, revient à Jazz en Comminges là même où il fut élu « jeunes talents » lors de l’édition 2019. Un retour très attendu de tous ceux qui avaient découvert et apprécié ce duo toulousain prometteur il y a deux ans.
Toujours samedi 30 octobre à 16h, le public du OFF a rendez-vous avec le groupe Swing Vandals et son répertoire où infusent les diverses cultures musicales méditerranéennes, de l’Espagne à la Grèce en passant par l’Italie et la France. Les cinq musiciens du groupe accompagnent la chanteuse Nadia Lombardo tout au long de ce concert en forme d’invitation au voyage.
Le concert suivant est programmé à 18h et va donner lieu à la première à Jazz en Comminges du jeune septet toulousain Rumpus. Pour ces six instrumentistes et la chanteuse Stacy Claire, le mélange des genres musicaux est également de rigueur avec un jazz hybride mêlé de soul, de rock et de hip hop.
Dimanche 31 octobre à 10h30, bienvenue au guitariste Benjamin Bobenrieth et à son épatant Travels Quartet pour un coup de projecteur sur la nouvelle génération de la guitare manouche, celle qui prolonge tout en le renouvelant ce courant essentiel et indémodable du jazz.
On enchaîne à 14h avec le Trio H.S (piano, contrebasse, batterie) qui reprend à son compte et à sa manière les compositions du pianiste Horace Silver, une des figures tutélaires du Hard Bop. L’occasion de redécouvrir dans de nouveaux arrangements cet autre pan de l’histoire du jazz.
Pour varier les genres et les plaisirs, l’après-midi dominical se poursuit à 16h en compagnie du groupe Buddy, quintet dans la plus pure tradition du style New Orleans. Le swing comme au bon vieux temps, pimenté de quelques biguines venues des Caraïbes.
À 18h, la scène du Cube accueille le Freemind Quintet, formation née de la rencontre entre le saxophoniste Abdu Salim et la chanteuse méditerranéenne Myrhiel Grosbard Salim, pour un hommage à Abbey Lincoln, chanteuse mythique du jazz des sixties.
Pour le dernier jour du OFF et du festival 2021, rendez-vous lundi 1er novembre à 11h avec le groupe Les Clopin-Clopants pour une plongée dans le jazz des années 1930, celui qui faisait danser tout Harlem. Le quartet accompagne la chanteuse Rachael Magidson dans des reprises d’airs d’Ella Fitzgerald, Billie Holliday, Sarah Vaughan ou Nina Simone.
L’après-midi à 15h, c’est encore une chanteuse qui est en vedette. Marie Carrié et son sextet proposent un programme issu de leur premier album The Nearness of You, paru sous le label Black and Blue, et un répertoire fortement imprégné du jazz des années 1950/1960 (Clifford Brown, Randy Weston…).
À 17h30, c’est le groupe Super Extra Large Funky Fun Zone qui a l’honneur de clôturer le OFF et le festival 2021. Une bande de copains musiciens du Sud-Ouest (originaires du Gers, de l’Aude et du Tarn) rassemblés autour de leur passion commune pour le groove, avec un mélange de reprises de grands classiques de la musique jazz/funk et de compositions originales.
Et aussi…
Une exposition-photos à découvrir
Les festivaliers ne doivent pas se priver du plaisir de rendre une petite visite à la très belle exposition-photos « Jazz en Blues » à la galerie de l’Office de tourisme intercommunal Coeur et Coteaux du Comminges (2 rue Thiers). Ouverte jusqu’au 13 novembre, elle présente le blues comme genre musical vu à travers l’objectif de trois photographes professionnels : Laurent Sabathé, Ian Arné et Dominique Rimbault, et le blues en tant que sentiment, capté par le regard sensible de jeunes photographes amateurs du Centre Social Azimut.
La masterclass de Sylvain Luc
La tradition est encore respectée cette année, Jazz en Comminges propose une masterclass à l’auditorium de la Médiathèque de Saint-Gaudens, jeudi 28 octobre à 14h. Destinée aux guitaristes, quel que soit leur niveau, et dirigée par Sylvain Luc, elle est l’occasion de bénéficier des conseils éclairés d’un des plus grands guitaristes français. Le quota a été fixé à 20 participants et l’on peut se renseigner auprès de Françoise Comet (fcomet50@gmail.com) pour en savoir plus.
Après la longue parenthèse de la crise sanitaire qui a affecté la plupart des manifestations culturelles, le retour de Jazz en Comminges est une des bonnes nouvelles de cet automne 2021. Bonne nouvelle pour les amateurs de jazz et bonne nouvelle pour la ville de Saint-Gaudens et sa région dont le festival reste un des meilleurs ambassadeurs. Il faut donc saluer la qualité de la programmation de cette 18e édition, dans le droit fil des précédentes, et remercier tous ceux qui permettent à ce bel événement de perdurer, organisateurs, bénévoles, mairie et partenaires privés ; en n’oubliant pas que le soutien du public est plus que jamais la condition indispensable à l’existence du festival. Que vive le jazz en Comminges !
Crédit photos
Bireli Lagrene © JB Millot / Sylvain Luc @ Alexandre Lacombe / Jean-Luc Ponty – Biréli Lagrène – Kyle Eastwood © Christian Ducasse / Sarah McKenzie © Oscar May / Camille Bertault © JB Millot / Kyle Eastwood © Jérôme Bonnet / Rumpus © Aucepika Photography Les Clopin-Clopants © Lucas Laurent