La troisième rencontre de cette saison de Musique en Dialogue aux Carmélites réunissait, ce dimanche 8 août dans la précieuse chapelle, la grande pianiste Vanessa Wagner et l’actrice aux multiples talents Marianne Denicourt. Ces deux personnalités attachantes apportent leur contribution poétique aux célébrations des 400 ans de la naissance de Jean de La Fontaine. Une fois encore, la musique et les mots échangent la magie de leurs pouvoirs.
Décrite par le journal Le Monde comme “la pianiste la plus délicieusement singulière de sa génération”, Vanessa Wagner mène une carrière à son image, exigeante, originale et engagée. Au fil de ses nombreuses expériences et collaborations, elle trace un chemin très personnel, allant du récital classique à la création contemporaine.
Marianne Denicourt, à la fois actrice, réalisatrice et scénariste a participé à un nombre impressionnant de films, de pièces de théâtre et de séries télévisées. Elle accompagne la pianiste dans ce dialogue en déclamant, en contrepoint des pièces musicales, de nombreux poèmes autour du monde des oiseaux.
En ouverture de cet après-midi dominical du 8 août, la Chapelle des Carmélites accueille ses spectateurs avec de touchants ramages de ce peuple des oiseaux qui inspire les deux volets simultanés de ce programme musical et poétique. Le large éventail pianistique du spectacle trouve un écho fraternel dans celui qui anime les paroles. Ainsi, les compositeurs convoqués pour cette évocation du monde des oiseaux occupent une large part de l’histoire de la musique. De Jean-Philippe Rameau à Henri Dutilleux, l’intérêt des créateurs pour les volatiles les plus divers impressionne !
Si le poème A Aurore, de George Sand, ouvre la rencontre, il est immédiatement suivi de la fameuse pièce dite « de caractère » de Rameau, Le rappel des oiseaux, sorte de référence au monde de la nature, jouée tout en délicatesse par Vanessa Wagner. Parmi les compositeurs choisis, trois d’entre eux occupent une place particulière en ce sens que plusieurs de leurs partitions sont abordées sous la forme de cycles. C’est notamment le cas de Piotr Illich Tchaïkovski dont quatre des fameuses Saisons (Chant de l’alouette, Perce neige, Les nuits de mai, Barcarolle) apportent leur contribution à une sorte d’hymne à la nature.
Edvard Grieg et ses belles Pièces lyriques, ainsi que trois des sensibles Romances sans paroles de Felix Mendelssohn, jouent le même rôle. On ne saurait s’étonner de retrouver parmi ces pièces le deuxième des poétiques Miroirs de Maurice Ravel, Oiseaux tristes, ainsi que le sautillant Ballet des poussins dans leur coque, extrait des Tableaux d’une exposition de Modeste Moussorgski. Plus rare et tellement bienvenue, la partition d’Henri Dutilleux, Blackbird résonne comme en relief. Le jeu de Vanessa Wagner se pare de couleurs chatoyantes, s’adapte à chacun des styles si divers de ce bestiaire ailé.
Les poèmes, énoncés avec un mélange de simplicité et de raffinement par Marianne Denicourt balaient également un large spectre de styles. On découvre (c’est le cas pour l’auteur de ces lignes !) un Victor Hugo défenseur de la gent ailée dans ses poèmes Liberté et Soyez comme l’oiseau.
A côté de textes signés René Char (l’étrange Complainte du lézard Amoureux), Robert Desnos (Il était une feuille), le révolté Boris Vian (Ils cassent le monde), ou la plus rare Vinciane Despret (Habiter en oiseau, en hommage au merle chanteur), l’incontournable Jacques Prévert occupe une place particulière avec Au hasard des oiseaux et surtout le splendide Salut à l’oiseau. La voix de velours de la comédienne s’insère avec finesse entre les pièces musicales et parfois se mêle habilement aux notes.
Un public particulièrement attentif salue avec chaleur cette double prestation qui se prolonge d’un bis avec retour vers l’art lumineux de Prévert et son touchant Pour faire le portrait d’un oiseau. Une pièce rare intitulée Inverness, de la compositrice et pianiste italo-américaine d’aujourd’hui Suzanne Ciani, conclut dans la douceur cette évocation d’un vol de ces oiseaux, symboles de liberté…
Serge Chauzy
une chronique de ClassicToulouse
Prochaine concert : Si La Fontaine m’était chanté / dimanche 29 août 2021 à 16h