La grâce de Mozart dans le parc Florans : un vrai bonheur partagé.
Anne Queffélec pianiste célébrée dans le monde entier peut jouer tous les répertoires mais semble prédestinée à rester pour les mélomanes une mozartienne hors pair. Ce soir avec le magnifique Sonfonia Varsovia elle ne cache pas son immense plaisir à jouer deux concertos de Mozart sous les platanes de La Roque d’Anthéron. Cette soirée a la température idéale en ce dimanche soir. L’orchestre s’installe tranquillement, le public scanné et masqué attend patiemment l’arrivée de la grande dame. Le rendez-vous annoncé avec Mozart a lieu et la soirée peut revêtir le caractère de magique tant la beauté a envahi l’air du soir tout du long.
Anne Queffélec a la délicatesse requise pour offrir toute la poésie, la beauté de l’âme mozartienne. Car on sait combien Mozart se livrait dans les concertos qu’il jouait lui-même. Le 12 ième concerto en la majeur est encore de première facture. Le dialogue piano-orchestre est très pondéré et les ritournelles mettent en valeur des couleurs d’orchestre encore dominées par les cordes avec juste un léger appui des bois et cors. Le piano est un soliste virtuose qui dialogue avec l’orchestre assez sagement. La poésie de ces échanges sans vraies surprises, toujours agréables permet un début de concert tout en douceur. La délicatesse de toucher et de phrasé d’Anna Queffélec trouve dans la direction du chef Arie van Beek un partenaire attentif et efficace qui se met au diapason de la soliste. Ses gestes assez originaux, sans baguette, magnifient les larges phrasés et recherchent des nuances bien marquées. L’orchestre est magnifique, très engagé et très réactif.
C’est le concerto en ut mineur n°24 qui va vraiment permettre aux interprètes de montrer un engagement assez extraordinaire. Anne Queffélec développe un jeu magnifique, précis et souple à la fois. La tonalité mineure douloureuse permet des moments de grande tendresse triste, qui sont très réussis. L’émotion qui se dégage mêle les émotions de plusieurs plans ; la conscience d’abord de bénéficier d’un lieu magique, puis la présence d’une pianiste parfaitement mozartienne et d’un orchestre et un chef en parfaite osmose.
Ce concerto est très intense émotionnellement en raison d’une écriture plus originale permettant au piano des moments de grande liberté d’improvisation, offrant à l’orchestre des passages virtuoses chambriste au bois de toute beauté et surtout une co-construction musicale entre le piano et l’orchestre qui annonce déjà la complexité des concertos à venir. Le « Sturm und Drang » est à son apogée, ou plus exactement le « Drama Giocoso ». Jamais rien de véritablement tragique, toujours cette bienséance du cœur qui reste au bord des larmes et de la plainte sans jamais s’y engouffrer. Les artistes de ce soir savent exactement doser ces éléments ambivalents. La manière dont Anne Queffélec apprécie par ses mouvements de tête les interventions de l’orchestre, la manière dont elle communique visuellement avec les bois illustrent bien cette osmose nécessaire à la musique d’ensemble.
Le public est ravi et le manifeste par des applaudissements nourris. Anne Queffélec offre de bonne grâce un bis magique de Bach. Cet extrait de son album Bach « Contemplation » élève et apaise. Je ne peux que recommander ce CD pour sa beauté inouïe. Je l’ai découvert à la sortie du concert et écouté avec beaucoup d’émotions j’y ai retrouvé toutes les qualités musicales, poétiques et humaines de cette grande dame du beau piano.
Puis proposant un « vrai bis », la pianiste obtient du chef de rejouer le final du concerto en ut mineur. La beauté des entremêlements des bois avec le chant du piano reste le moment de grâce absolu de la soirée. Le réentendre en bis, encore plus beau si c’est possible, est un bonheur céleste. Les étoiles brillent à La Roque, la musique de Mozart y est chez elle. Merci !
Critique. Concert. La Roque d’Anthéron. Auditorium du Parc, le 8 Août 2001. Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Concerto pour piano et orchestre n°12 en la majeur K.414 ; Concerto pour piano et orchestre n°24 en ut mineur K.491. Sinfonia Varsovia. Anne Queffélec, piano ; Arie van Beek, direction.