Après une volcanique Elektra qui concluait la saison officielle 20/21 du Théâtre du Capitole, Christophe Ghristi a exceptionnellement prolongé les agapes lyriques avec ce que l’on pourrait nommer un festival. Entre cinéma, danse, chœur, exposition, conférence et récitals, ce ne sont pas moins d’une quinzaine de manifestations qui ont été ainsi proposées au public entre le 6 et le 21 juillet. Malgré le contexte sanitaire que l’on sait dissuasif, pour le moins, les spectateurs se sont rués en masse à ces soirées.
Les trois dernières ont constitué une sorte d’apothéose, Christophe Ghristi ayant invité à cette occasion des stars internationales. Il en est ainsi de la soprano bulgare Sonya Yoncheva qui, en ce 19 juillet, accompagnée par le pianiste Antoine Palloc, nous offrait un programme intitulé Ad une stella, hommage à la mélodie italienne signée Verdi, Puccini, Tosti…
Cette habituée de la Scala, du Met de New York, des Arènes de Vérone et de bien d’autres lieux de prestige faisait ainsi ses débuts à Toulouse. Il était fort improbable que le programme officiel suffise à satisfaire la gourmandise des spectateurs. C’est donc à grand renfort d’ovations et de rappels que la cantatrice nous a donné quatre bis dans lesquels elle a montré toute l’étendue de son talent. Quatre bis consacrés à l’opéra, juste ce qu’il fallait à Sonya Yoncheva pour démontrer encore une fois quelle bête de scène elle peut être, autant dans les extraits de La Bohème que de Manon que dans le plus surprenant air de… Carmen : L’amour est un oiseau rebelle, un air dans lequel elle prit son pianiste comme partenaire de manière assez… torride, pour le plus grand plaisir du public bien sûr.
Le lendemain 20 juillet, c’était au tour du ténor d’origine chilienne Emiliano Gonzalez Toro de rendre hommage à l’une des grandes voix de son pays : Violeta Parra, véritable icône de la chanson populaire d’Amérique latine disparue tragiquement en 1967 à l’âge de 50 ans. Mais pour le coup, l’artiste s’est entouré d’autres musiciens et chanteurs dont le pianiste Thomas Enhco. Ce ne sont donc pas moins de 9 artistes qui ont enflammé littéralement un Capitole qui n’avait certainement jamais vibré sur ces chansons qui ont fait et font toujours le tour de monde.
Un feu d’artifice nommé Jakub Jozef Orlinski
Et pour terminer, rien moins que le contre-ténor polonais Jakub Jozef Orlinski, breakdancer de haut niveau et coqueluche de… toute distribution lyrique baroque ! Dire que ce tout récent trentenaire a séduit le public tient du plus doux euphémisme. Applaudi à tout rompre tout le long de la soirée dans un programme intitulé Facce d’amore signé de compositeurs des 17è et 18è siècles, il nous donne à entendre une spectaculaire voix de contre-ténor alto au timbre d’un velours envoûtant, aux graves abyssaux, aux aigus de diamant et à la projection d’une puissance rare dans cette tessiture.
Mais cet artiste est aussi un musicien précieux, sachant colorer sa voix, tenir des phrasés inépuisables de souffle, lier les registres à la perfection, maîtriser la dynamique au travers de messa di voce superbes et de diminuendo renversants, sans oublier des trilles battus avec une virtuosité époustouflante. Ce n’est pas tout, Jakub Jozef Orlinski incarne avec profondeur et sensibilité tout comme il communie viscéralement avec le public, lui confiant ses moindres émois avec une bouleversante spontanéité. Les bis accordés en fin de soirée n’ont pas réussi à rassasier des mélomanes aux anges qui auraient bien voulu entendre pareil interprète encore et encore*. Standing ovation bien sûr ! Ne doutons pas une seconde qu’une part de ces applaudissements venait saluer également les 7 magnifiques musiciens issus de l’ensemble Il Pomo d’Oro, spécialiste incontesté de ce répertoire. Il était difficile de rêver mieux en matière de clôture… définitive d’une saison 20/21 hautement périlleuse.
Robert Pénavayre
une chronique de ClassicToulouse