Aujourd’hui, Arnaud Clappier vous parle du jeune cinéma Utopia Borderouge (Terminus de la ligne B, station Borderouge) dont il est directeur, ainsi que de ses coups de cœur de la programmation pour les semaines à venir :
Utopia est une aventure commune, mais chaque cinéma Utopia a une identité propre liée aux équipes qui font vivre la salle et au lieu d’implantation-même qui permet de nouer des partenariats. Sur Borderouge, entre la première ouverture un peu chaotique, la fermeture Covid, la réouverture où on a décidé de ne pas réaccueillir dès juin mais d’attendre fin aout pour peaufiner un certain nombre de travaux et voir comment cela se passait pour les salles qui rouvraient (1), on peut dire qu’on a eu un petit tour de chauffe de dix mois avant de rentrer maintenant dans le vif du sujet, de programmer vraiment ce que sera Utopia Borderouge à l’avenir, et d’engager des propositions et des rencontres autour des films pour faire réellement vivre le cinéma dans son environnement le plus proche.
Et maintenant, ses coups de cœur de programmation : Un pays qui se tient sage, Lupin III The First, Billie, Josep et le festival « Origines Contrôlées » organisé par Tactikollectif du 11 au 15 novembre 2020.
Un pays qui se tient sage, documentaire de David Dufresne, à partir du 21 octobre
Rencontre le 25 octobre avec le réalisateur et Tactikollectif.
Mettre un film en une de gazette peut parfois faire débat au sein des équipes, mais pour Un pays qui se tient sage, c’était une évidence pour Utopia Borderouge, ainsi que dans tous les autres Utopia. C’est un des documentaires les plus importants de ces dernières années. Au delà du ressort politique très fort, il interroge ses spectateurs et réellement ses intervenants autour de la question des violences policières et de l’usage légitime de la force. Très souvent, les documentaires s’arrêtent à dénoncer un agissement en donnant la parole aux victimes et la grande intelligence de David Dufresne est de croiser des paroles très différentes, comme celles des victimes, des syndicalistes policiers des plus modérés aux plus extrêmes, afin de permettre aux spectateurs une meilleure compréhension de la situation. D’un film qui aurait pu être très chiant et très théorique, il fait un documentaire complètement passionnant, lumineux et assez enthousiasmant. C’est un film important a fortiori dans le contexte actuel où les problématiques d’usage de la loi pour restreindre des libertés ont rarement été aussi présentes dans le débat publique.
Et cerise sur le gâteau, David Dufresne revient rencontrer les spectateurs d’Utopia Borderouge et Tournefeuille ! Même s’il est venu accompagné son film pour l’ouverture du Fifigrot à l’American Cosmograph, on a demandé au distributeur s’il pouvait revenir sur Toulouse après la tournée promotionnelle, où les enjeux liés à la sortie nationale sont moins présents, et il a accepté de suite.
Cela m’intéressait d’éloigner le film de la répression des manifestations Gilets Jaunes, qui est le point de départ du film qui aborde ensuite d’autres choses, et d’inviter les animateurs de Tactikollectif pour donner un autre regard sur Un pays qui se tient sage. Pour moi qui suis de fraîche date Toulousain, Tactikollectif est une association de quartiers du Nord de Toulouse et principalement aux Izards qui travaille régulièrement sur les ouvertures culturelles et politiques, pour extraire ces quartiers de l’image dans laquelle ils sont enfermés, et de casser ces murs de verre. Parmi les animateurs, on compte les anciens membres de Zebda, et c’est avec Tactikollectif qu’ils avaient fait le disque de reprises Chants de lutte en 1997 avec « Motivés, le chant des partisans ». Et tous les ans, Tactikollectif propose le festival « Origines Contrôlées », que nous sommes très heureux d’accueillir cette année !
Rencontre avec David Dufresne dimanche 25 octobre, 14h à Utopia Borderouge à l’issue de la projection de Un pays qui se tient sage, accompagné d’animateurs de Tactikollectif.
A noter que David Dufresne sera aussi présent à Utopia Tournefeuille avec l’Observatoire des Pratiques Policières à l’issue de la projection de son film à 18h.
Lupin III, The First de Takashi Yamazahi, dès le 7 octobre,
Journée spéciale « Lupin III » le samedi 17 octobre avec deux Lupin III en plus : Le Château de Cagliostro et Le Secret de Mamo
Tarif spécial de 12 euros si vous voyez les 3 films.
Les adaptations en manga d’Arsène Lupin sont quand même trèèèèès lointainement fidèles aux bouquins de Maurice Leblanc. Néanmoins, à chaque fois qu’on peut programmer autour d’Arsène Lupin, j’avoue que j’ai du mal à me refréner. Lupin III est un personnage de manga japonais créé en 1967, qu’on retrouve en animations TV en France sous le nom d’Edgar de la Cambriole, car les créateurs du manga avaient juste oublié de demander aux héritiers de Maurice Leblanc l’autorisation d’utiliser le nom d’Arsène Lupin. C’est vraiment un personnage hyper important dans la culture manga mondiale. Lupin III The First, la dernière adaptation en date à sortir en France est en modélisation 3D. J’avait très peur, et j’avoue que c’est graphiquement assez épatant et ce que l’adaptation perd en références à Maurice Leblanc elle le gagne de décalque d’aventures à la Indiana Jones ou de L’Homme de Rio. C’est de la grande aventure avec des histoires d’archéologues, des mystères, des secrets, des découvertes. C’est très marrant et très adapté au jeune public.
Et donc, on décide de programmer Lupin III The First dès le 7 octobre, et de rajouter les deux autres adaptations sorties en France le samedi 17 octobre pour le premier weekend des vacances de Toussaint.
Le premier est Le Château de Cagliostro en 1979, qui est aussi le tout premier long-métrage réalisé par Hayao Miyazaki, qui a eu un très beau succès lors de sa sortie tardive en salles françaises il y a quelques années. C’est un film d’aventure, qui a une féérie et une esthétique comme Miyazaki sait les faire. Ce film pose les bases de son cinéma.
Et le second est Le secret de Mamo qui est, lui, assez proche du manga, beaucoup moins recommandable et beaucoup moins pour enfants car assez teigneux, totalement invraisemblable, un peu grossier.
Les gens de l’association Toulouse-Japon ont répondu immédiatement à notre proposition de participer à cette journée, ils sont en train de phosphorer ensemble pour savoir comment nous accompagner au mieux pour cette journée. Ce sont eux qui m’ont branché avec Akiba-Store, magasin toulousain sur le fétichisme du manga. Exposition ou des créations à confectionner chez soi, ou du karaoké sur grand écran, tout est encore en gestation : ça dépendra évidemment du contexte et des consignes sanitaires.
Samedi 17 octobre, journée « Lupin III »
Attention : nouveaux horaires dus à l’annonce du couvre-feu toulousain
à 15h00 : Lupin III, Le Château de Cagliostro (1h40, en VF), de Hayao Miyazaki, que je conseille à partir de 5-6 ans sans aucun problème.
à 17h00 : Lupin III, The First (1h33, en VF) de Takashi Yamazahi, à partir de 8-10 ans facile.
À 18h50 : Lupin III, Le Secret de Mamo (1h42, en VOSTF) de Sôji Yoshikawa etYasuo Otsuka. Il n’y a aucune interdiction sur le film, je le conseillerai pour les grands collégiens, les lycéens et leurs parents.
Billie de James Erskine, à partir du 30 septembre
Je connaissais peu la chanteuse Billie Holiday, et j’aime bien quand on me raconte des histoires passionnantes. Son destin est assez ahurissant et le film a l’intelligence de ne pas faire une chronologie un peu bêtasse de sa vie avec les éléments marquants ; il est centré sur les chansons en lien très direct et très fort avec son expérience personnelle, comme « Strange Fruit » ou « My Man » qui sont des moments émotionnellement très fort du film. Il utilise énormément d’images d’archives, et pour une fois, la colorisation est juste magnifique, et s’intègre parfaitement au récit. C’est un travail splendide. Et ce formidable film a un petit côté malin, mais qui fonctionne hyper bien qui consiste à faire un double documentaire, sur Billie la chanteuse, et sur Linda la journaliste. Linda Lipnack Kuehl voulait écrire la biographie de la chanteuse, et a mené les entretiens qui sont utilisés dans le documentaire. On suit, comme dans une enquête, la vie de Linda. Les destins de Billie et Linda se répondent vachement bien. On en est sortis émerveillés, et on a eu très envie de le partager le plus largement possible, et nous l’avons programmé dès sa sortie nationale le 30 septembre.
On s’est dit que ce serait bien d’accompagner la projection du film avec des intervenants spécialistes de Billie Holiday. Et en fait, les camarades d’Utopia Tournefeuille ont dégoté le Barbara Bouamra Quartet qui viendra le 14 octobre à 20h30 pour un petit concert qui précédera la projection de Billie.
Ciné-concert mercredi 14 octobre à Utopia Borderouge, 20h30 : concert du Barbara Bouamra Quartet suivi de la projection du documentaire Billie.
Places disponibles dans les Utopia dès le 1er octobre au tarif unique de 9€, réservations conseillées
Vente en ligne pour Borderouge.
A noter que le Barbara Bouamra Quartet se produira aussi à Utopia Tournefeuille le mardi 13 octobre à 20h30, avant Billie.
Vente en ligne pour Tournefeuille.
Le film est aussi projeté à Utopia Tournefeuille et à partir du 7 octobre à l’American Cosmograph.
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Josep de Aurel, à partir 28 octobre
Le réalisateur Aurel est un dessinateur de presse, mais qui avait déjà tâté du film d’animation en 2011 avec Octobre noir, sur la manif du 17 octobre 1961, où la police du Préfet Maurice Papon a jeté des Algériens dans la Seine pour faire bonne mesure. Depuis ce court-métrage passionnant, je guettais sa prochaine réalisation, et c’est Josep, qui raconte le destin du dessinateur espagnol Josep Bartoli. Je trouve assez formidable et assez casse-gueule à la fois de faire un film d’animation sur un dessinateur, et qui a fortiori n’a pas une aura internationale. Aurel et les studios d’animation avec lesquels il a bossé se sont attachés à ne pas faire un film d’animation, mais de faire un film dessiné, et ça fait toute la différence entre un film qui aurait été un biopic classique et ce que Aurel a réalisé avec Josep qui est un mélange de crayonné et de moments d’animation hyper fluide, mais aussi un mélange d’œuvres dessinés par Bartoli et de l’ensemble de l’histoire dessinée par Aurel. C’est formidablement rythmé pour raconter les camps d’internement des résistants républicains espagnols en France, durant la Retirada, moment de l’histoire qui est, à ma grande surprise, toujours très méconnu en France. Tout ce qui peut contribuer à éclairer cette période-là me paraît passionnant, et en plus le film est d’une beauté visuelle, d’une poésie rares. C’est un film nécessaire.
Josep est aussi projeté à Utopia Tournefeuille.
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Festival « Origines Contrôlées » – avec mise à jour des nouveaux horaires dus au couvre-feu
Je dois dire qu’on n’est pas peu fiers d’accueillir le festival « Origines Contrôlées » !!! de Tactikollectif, qui se déroule tous les ans dans plusieurs lieux, et principalement aux Izards dans la salle Ernest Renan. L’an dernier, Utopia Borderouge venait juste d’ouvrir, et nous avions programmé une avant-première d’un film produit par La Rumeur, K Contraire, en lien avec le festival. Je parlais de murs de verre tout à l’heure, et on constate que les personnes des Izards ne s’autorisent pas à venir à Borderouge, et que pour les gens du Nord-Est de l’agglomération ou du centre-ville, Borderouge c’est un peu comme le Far West ! Il y a un vrai enjeu à ouvrir Utopia Borderouge à tout le monde, et si ces différents publics peuvent se rencontrer, notre bonheur serait total.
Pour la 17e édition d’ « Origines Contrôlées » cette année, nous avions convenu de proposer un ciné-concert avec Mouss et Hakim, et un double programme avec les films White Riot / Rock Against Police.
Ces dernières semaines, la mairie n’était plus en mesure de garantir aux organisateurs le prêt de la salle municipale en raison de la crise sanitaire. Quand Tactikollectif est venu m’annoncer qu’ils annulaient le festival, on a pensé qu’on pouvait libérer des créneaux de nos salles pour accueillir certains de leurs événements.
En 24 heures s’est décidé de maintenir « Origines Contrôlées » du 11 au 15 novembre à Utopia Borderouge, avec quatre des propositions du festival, dont
– le ciné-concert, à voir en famille avec Mouss et Hakim qui s’appelle Ciné-Musica sur des images d’archives montées par le réalisateur Nabil Djedouani issues de l’histoire de l’immigration le mercredi 11 novembre à 18h et le vendredi 13 novembre à 18h.
– le double programme White Riot / Rock Against Police, en présence du réalisateur Nabil Djedouani mercredi 11 novembre à 14h.
Nabil Djedouani est le fondateur des Archives numériques du cinéma algérien (la page Facebook et la chaîne YouTube), et cinéaste. Il a réalisé un documentaire de 30 minutes intitulé Rock Against Police. Rock Against Police était un petit mouvement d’organisation de concerts et de marches qui a existé dans les années 80, créé en réponse aux violences policières contre les jeunes des banlieues françaises, inspiré du mouvement anglais qui s’appelait Rock Against Racism, sur lequel revient le documentaire sorti cet été White Riot.
Rencontre avec Nabil Djedouani mercredi 11 novembre à 14h Utopia Borderouge à l’issue du double-programme White Riot / Rock Against Police
Et nous sommes ravis d’accueillir les deux autres propositions du festival
– samedi 14 novembre à 17h, c’est un autre double-programme de spectacles, qui fait converser Frantz Fanon et Aimé Césaire avec « Lâcher l’homme » avec un « Hommage à Kateb Yacine ».
– dimanche 15 novembre à 13h45, « Les femmes connaissances la chanson » est une proposition de chansons de la culture populaire issue de l’immigration.
Utopia Borderouge
59 Avenue Maurice Bourges-Maunoury
31200 Toulouse
05 61 50 50 43
Utopia Tournefeuille
Impasse du Château
31170 Tounefeuille
05 34 51 48 38
Site internet commun