Compte rendu concert. Quarantième Festival International de Piano. La Roque d’Anthéron. Parc du château de Florans, le 8 Août 2020.
Intégrale des 32 sonates de Ludwig Van BEETHOVEN (1770-1827).
Claire Désert ; Jean-Efflam Bavouzet ; François-Frédéric Guy ; Nicholas Angelich.
Quatrième concert : Auditorium du Parc 10 h.
Sonates 17 ;18 ;19 ; 20 ; 21 ; 22 : des chefs d’œuvres naissent.
A nouveau au matin l’Auditorium s’ensoleille petit à petit. Le public tient bon devant le risque d‘insolation. Mais cette intégrale est si passionnante, c’est si extraordinaire de pouvoir suivre l’évolution de Beethoven, les pianistes sont si investis que la passion fait tenir la plus grande partie du public même en plein soleil. Beethoven virtuose d’abord, expérimentant les possibilités du pianiste. Puis déplaçant les formes, en inventant de nouvelles, essayant là une fin tonitruante, ici une autre à la pointe des doigts, cherchant des résolutions harmoniques nouvelles, attendues, retardées, déplacées, s’appuyant sur des danses, nobles ou parfois populaires. De deux à cinq mouvements. Il y a tant et tant de choses dans ces sonates au fur et à mesure de l’évolution de son génie ! Au lieu de penser qu’il y a des petites sonates et des grandes nous avons compris hier que chacune est importante, aucune n’est négligeable.
A présent Claire Désert nous propose sa version de la dix-septième sonate, la sonate « La Tempête ». Débutant délicatement comme à son accoutumée, c’est toute en sensibilité que la musicienne va aborder cette tempête qui sera toute intérieure. Pas de rugissements terribles, rien n’est au premier degré tout est plus subtilement suggéré. Souvent le premier mouvement éclipse les suivants. Il n’en est rien avec Claire Désert, elle nous fait comprendre toute la sonate comme une construction parfaite avec la perception de l’âme au travail avec ses multiples sentiments contradictoires. Les nuances sont subtilement construites sur des pianissimi impalpables. Dans les emportements pianistiques elle sait garder une mesure humaine très émouvante.
Tout est à l’opposé avec Jean-Efflam Bavouzet. Son jeu extraverti attendu lui fait jouer fort, vite et cette dix-huitième sonate a tout d’une chasse à courre royale. On cherchera en vain le gracioso dans le menuet. Par contre le fuoco du presto brûle comme le soleil qui darde, ce final passe en force avec effets de manche et de mèche.
François-Frédéric Guy enchaîne sobrement les deux sonates dix-neuf et vingt chacune en deux mouvements. Le jeu du musicien est élégant et porteur d’une belle capacité de réthorique dans ces deux sonates assez ingrates.
Nicholas Angelich en remplacement d’Emmanuel Strosser qui avait joué la veille au soir nous régale d’une Waldstein d’anthologie. Cette sonate vingt-et-une est magistralement construite et Nicholas Angelich à sa manière la dissèque pour nous la rendre limpide. La beauté du son, la richesse des harmoniques, la subtilité des nuances et une capacité à mobiliser notre imagination sont un pur bonheur. La musique irradie des doigts agiles de Nicholas Angelich, comme en état de grâce. Nous vivons avec lui un très grand moment.
La pauvre vingt-deuxième sonate semble superfétatoire sous les doigts guerriers de Jean-Efflam Bavouzet après ce grand moment de La Waldstein. C’est le seul moment où le découpage des concerts est discutable.
Le public est heureux mais reste sous l’impression profonde faite par la Waldstein.