Rétrospectives des films d’Andreï Kontchalovski à la Cinémathèque de Toulouse, dans le cadre des Musicales franco-russes, et à la Cinémathèque française.
Avant une rétrospective parisienne qui lui est dédiée à la Cinémathèque française, le cinéaste russe Andreï Kontchalovski rencontrera le public de la Cinémathèque de Toulouse, à l’occasion d’une rétrospective de ses films présentée dans le cadre des Musicales franco-russes. Andreï Kontchalovski quitte le Conservatoire de Moscou pour cosigner les scénarios des films « l’Enfance d’Ivan » et « Andreï Roublev », d’Andreï Tarkovski. Frère du cinéaste Nikita Mikhalkov, il prend le nom de son grand père maternel et s’impose sur le devant de la scène dès son premier film, « le Premier Maître », en 1965, qui raconte les débuts d’un jeune instituteur envoyé dans un village de Kirghizie, au début des années 1920. Il poursuit ensuite une carrière longue et fructueuse, remportant deux Lions d’argent à Venise (prix décerné au réalisateur) pour « les Nuits blanches du facteur » (2014) et « Paradis » (2016), tous deux tournés en Russie. Réalisé en Italie, son dernier film, « le Péché », dresse un portrait de Michel-Ange.
Michel Ciment rappelle que «Kontchalovski appartient à la génération des années 1960, la plus brillante du cinéma soviétique depuis celle des années 1920, celle qui, grâce au dégel khrouchtchévien, redonne tout son éclat au cinéma de son pays. D’Andreï Tarkovski à Larissa Chepitko, d’Elem Klimov à Kira Mouratova, d’Otar Iosseliani à Gleb Panfilov et Alexeï Guerman, ces cinéastes, tous nés dans les années 1930, apportent un souffle nouveau. Si Kontchalovski est l’un des rares à pouvoir témoigner encore de son talent, il figure surtout parmi les grands réalisateurs qui ont su s’imposer dès leur premier film, et continuent encore aujourd’hui à créer des œuvres dignes de leurs débuts.»(1)
Croyant à l’indépendance et à la liberté des individus, Kontchalovski s’est construit en ennemi juré de tous les systèmes. Son deuxième film, « le Bonheur d’Assia », décrit les difficultés de la vie paysanne dans un kolkhoze avec tant de réalisme qu’il est interdit en dehors des frontières soviétiques. Il adapte ensuite Ivan Tourgueniev en 1969, avec « Nid de gentilshommes », puis Anton Tchekhov en signant l’année suivante « Oncle Vania ». Après « Sibériade » (1979), grande saga familiale à travers l’histoire de la Sibérie depuis la Révolution d’octobre, il quitte l’Union soviétique pour Hollywood, où il tourne notamment pour la Cannon. Il y dirige Nastassja Kinski et Robert Mitchum dans « Maria’s Lovers » (1984), Julie Andrews et Max von Sydow dans « Duet for One » (1986), Sylvester Stallone et Kurt Russell dans « Tango et Cash » (1989). Durant cette période, il tourne également « Runaway Train », ou la course infernale d’un train sans conducteur qui a pour passagers deux prisonniers en cavale.
De retour en Russie après l’éclatement de l’URSS, il décrit la fin d’une époque dans « Riaba ma poule » (1994), une suite désenchantée du « Bonheur d’Assia », mais aussi dans « la Maison de fous » (2002) qui met en scène les malades d’un hôpital psychiatrique, situé à la frontière tchétchène, livrés à eux-mêmes au début de la guerre en Tchétchénie. Pour le critique Pascal Mérigeau, «la trajectoire d’Andreï Kontchalovski est celle d’un cinéaste surdoué, qui a su passer d’un registre à un autre, d’une super-production avec vedettes à un film bricolé en toute modestie, de la Sibérie à Hollywood et retour, sans jamais rien perdre de sa maîtrise et de sa singularité. Son œuvre est une des plus passionnantes et originales du cinéma des cinquante dernières années»(2). Auteur de « Ni dissident, ni partisan, ni courtisan »(3), livre de conversations avec le cinéaste, Michel Ciment constate que «Andreï Kontchalovski a une incroyable capacité de métamorphose, il se réinvente à chaque film.»
Jérôme Gac
pour le mensuel Intramuros