Chaque semaine, on vous invite à lire une nouveauté, un classique, un livre injustement méconnu ou simplement à découvrir.
L’Histoire de la littérature de Xavier Chapuis
Ne pas se fier au titre : il ne s’agit pas ici d’un manuel ou d’un essai, mais bel et bien d’un roman qui met en scène un apprenti-écrivain, l’un de ces anonymes qui existent par centaines de milliers, dit-on, dans l’Hexagone. Contrôleur de gestion au ministère des Sports, Cyril Poirier collectionne les lettres de refus de la part des éditeurs en vue. Les petites maisons et les éditeurs régionaux n’ont pas voulu non plus de son manuscrit. Voici donc « cinq ans, trois mois et sept jours » de labeur réduits à néant ou presque. Celui qui voyait son œuvre s’inscrire dans la lignée des maîtres admirés – Proust, Flaubert ou Balzac – se retrouve ainsi nié, humilié, méprisé par le système éditorial.

Xavier Chapuis © Pierre Vallet
Même une rencontre fortuite dans un café avec l’éminent Philippe Sollers tourne au fiasco. Le maître congédie l’importun sans savoir qu’il vient de signer son arrêt de mort car l’ancien maoïste et papiste va cristalliser dès lors « la haine des éditeurs » chez Cyril. Au point que ce dernier décide de programmer l’assassinat de l’auteur de Femmes. Le forfait commis, d’autres têtes – ou plus exactement d’autres plumes – tomberont…
Gloire littéraire
On ne dévoilera pas plus les rebondissements du premier roman de Xavier Chapuis, sorti lors de la dernière rentrée littéraire, qui tient à la fois de la fable, de la satire, du roman noir et du récit initiatique. De Venise à Paris, on suit les aventures d’un homme faussement ordinaire de trente-cinq ans dont l’entreprise se veut autant « un manifeste esthétique » qu’« une déclaration contre l’agonie du roman » afin que la littérature renaisse. On croise de nombreux écrivains dans L’Histoire de la littérature parmi lesquels Modiano, Le Clézio (avec « sa tête de Robocop ou de couturier botoxé »), Kundera, Foenkinos, Moix ou Houellebecq. Houellebecq justement, on y pense aussi pour ce mélange d’humour noir et d’acuité sociologique que Xavier Chapuis déploie avec naturel.
Au passage, l’auteur épingle l’un des paradoxes de notre époque où plus personne ne lit, mais où tout le monde écrit et où les œuvres s’effacent dans la fausse monnaie du spectacle : « Dans un pays d’où la littérature s’était éclipsée depuis un siècle – rayée de notre géographie artistique par le mythe de l’engagement sartrien et la phraséologie indigente de Duras –, on était manifestement avide de gloire littéraire. » Drôle et macabre, ce roman autour de la folie schizophrène de son anti-héros crée, notamment à travers une histoire d’amour ratée, un vertige qui va bien au-delà de son aspect farce.
L’Histoire de la littérature • éditions do


