Chaque semaine, on vous invite à lire une nouveauté, un classique ou un livre à redécouvrir.
Vivre à Toulouse, 1980-2030 de Sébastien Vaissière
Après un précédent volume, couvrant la période 1950-1980 et réalisé par le journaliste Mathieu Arnal, un autre journaliste, Sébastien Vaissière, cofondateur du magazine Boudu, prend le relais pour évoquer la ville et ceux qui la font de 1980 à 2030. Préfacé par Rémy Pech, enrichi par les témoignages ou les textes de plusieurs personnalités (de Priscille Lacombe à Mustapha Amokrane en passant par François Delarozière), l’ouvrage découpé en huit thèmes propose donc un voyage dans le temps et dans le présent, voire dans le futur.

Sébastien Vaissière
Evidemment, les « incontournables » – Airbus, le Stade Toulousain, l’Orchestre du Capitole… – sont présents à travers ce tableau, mais la ville ne se résume pas au spatial, à l’aéronautique ou à ses icônes les plus célèbres. D’où l’intérêt des pages notamment consacrées à l’école toulousaine du graff, de renommée internationale, ou au quartier Arnaud Bernard qui connût autour de Claude Sicre, des Fabulous Trobadors, des repas de quartier ou du Forum des langues une vitalité autant culturelle que citoyenne.
L’énergie d’une époque
Sans surprise non plus, la musique – ou plutôt les musiques – ont une large place ici en compagnie de Claude Nougaro (et de la genèse de l’album Nougayork qui vit la résurrection du petit taureau des Minimes), de Zebda ou de Big Flo & Oli. On n’oublie pas Bernardo Sandoval, maître du flamenco, tandis qu’un hommage au regretté Denis Méliet et à sa famille prend place dans le chapitre dédié à la gastronomie. Les années passent, défilent. Le métro, inauguré à l’été 1993, n’est qu’un jeune trentenaire qui a poursuivi son développement malgré les sceptiques. La radio FMR tient bon. A l’inverse, la chaîne TLT n’existe plus. L’épicerie Bourdoncle, rue Saint-Rome, non plus, bien que les parfums de ses épices réveillent toujours des souvenirs chez quelques-uns. La dynastie Baudis a passé la main. On chasse ces voitures que l’on ne veut plus voir. Les cyclistes ont proliféré comme du chiendent.

Archives Municipales de Toulouse
Vivre à Toulouse ne fait pas l’impasse sur les heures tragiques. La catastrophe d’AZF a marqué les mémoires et la naissance de l’Oncopole sur le site n’efface pas les blessures. Les assassinats et les tueries islamistes de mars 2012 ont coloré de rouge sang la ville rose. Mais la vie continue. Toulouse est jeune, entreprenante, attractive. Richement illustré par une iconographie en noir et blanc et en couleur, le livre de Sébastien Vaissière est une sorte de kaléidoscope mêlant les époques et les tableaux. On songe en le lisant, en le regardant, au titre d’un beau roman de Jean-Noël Pancrazi : Tout est passé si vite. Ce n’est pas l’objet de l’entreprise, mais une certaine nostalgie surgit inévitablement de ces pages.

Monument aux Morts © Orane Benoit
« Cette époque, cette énergie des années 1990-2000 me manque beaucoup. Et pas seulement pour la musique que je jouais », confesse Bernardo Sandoval. Pierre Nicolas, qui fut longtemps le visage de l’information sur France 3, affine le diagnostic : « J’ai l’impression que les années 2020 resteront celles de la disparition des singularités toulousaines. On avait jusqu’ici échappé à l’uniformisation grâce à l’éloignement de Paris, tout en profitant de la décentralisation. Mais la mondialisation est plus forte que le centralisme. Elle va plus vite, trop, et nous rattrape inexorablement. » « Quel sera notre futur ? », chantaient les Fabulous Trobadors en 1995. Sans se presser, on attendra la réponse, un verre à la main, en bord de Garonne, sur une place baignée de soleil ou à l’ombre d’une rue étroite, en fredonnant un air de Nougaro ou de Zebda.
Vivre à Toulouse, 1980-2030 • éditions Privat


