Exit 8 un film de Genki Kawamura
Dans les couloirs déserts d’un métro tokyoïte, un homme s’auto-analyse et affronte ses peurs. Un film angoissant, saisissant, brutal, frôlant l’épouvante. Une véritable métaphore de la société japonaise actuelle.

« l’homme qui marche » (Yamato Kôchi) – Crédit : Exit 8 Film Partners
Pour son second long métrage, le réalisateur japonais Genki Kawamura adapte ici un célèbre jeu vidéo : Exit 8. Rappel des règles: isolé dans les couloirs d’un métro, le joueur doit repérer des anomalies dans l’environnement (affiches, portes, éclairages, etc.) Si l’une d’elle apparait, il doit faire demi-tour, sinon il peut continuer mais s’il s’est trompé, il repart à zéro dans une boucle temporelle en forme de labyrinthe mental. Très peu de personnages dans ce film. Le principal est « l’homme perdu » (Kazunari Ninomiya, époustouflant). Nous le découvrons lors d’une séquence liminaire, à l’intérieur d’une rame de métro bondée. Tout le monde est penché sur son téléphone, sauf une jeune maman qui a du mal à calmer son bébé. Elle va se faire agonir d’injures par un jeune homme ne supportant pas les pleurs de l’enfant. Et tout cela sans que quiconque ne lève le nez de son smart phone. Y compris « l’homme perdu » qui, il faut dire, apprend via texto que sa copine est enceinte. Nous comprenons rapidement que le désir de paternité de ce dernier n’est pas flagrant…. Elle lui donne rendez-vous à l’hôpital…. Il descend donc à la station requise et prend la sortie 8, celle qui doit lui faire rejoindre la future maman. C’est le début du jeu pour nous, et pour lui d’une odyssée psycho-temporelle, véritable métaphore et clin d’œil appuyé au Purgatoire de la Divine Comédie, l’endroit dans lequel sont révélés les péchés et les angoisses de chacun. Flirtant également avec le film d’épouvante, version le Shining de Stanley Kubrick (1980), ce film profondément étouffant et angoissant est un véritable chef-d’œuvre de virtuosité. En ne quittant pas un décor de carrelage uniformément blanc, en répétant ad nauseam des scènes qui finissent malgré leur banalité par devenir angoissantes, le réalisateur manipule son public et le plonge finalement au plus profond de ses questionnements intimes. « L’homme perdu » n’est rien d’autre que le spectateur face à ses peurs et ses contradictions.
Radioscopie sans concession d’une société japonaise robotique, ce film creuse aussi le sillon de la paternité et de la responsabilité individuelle dans un univers hyper-formaté et quasi déshumanisé. Soulignons les performances de « l’homme qui marche » (Yamato Kôchi), celui qui ne se posera pas de question et qui peut-être ne trouvera pas la sortie, et de Naru Asanuma (l’enfant), un tout jeune comédien sidérant.
La bande-son contient le Boléro de Ravel et son obsédant thème musical scandé par la batterie claire…
Un film puissant, profond, d’une hallucinante maîtrise formelle.