La collection Photo Poche, publiée par Actes Sud, compte aujourd’hui 180 volumes. Elle poursuit sa vaste entreprise de réédition avec Henri Cartier-Bresson, Robert Doisneau, Sebastiao Salgado et Paolo Roversi, qui ont tous été, au fil des années, exposés à la galerie du Château d’Eau, à Toulouse.
Photo Poche revient aux sources de sa collection avec la réédition des volumes numéros 2 et 5, respectivement consacrés à Henri Cartier-Bresson en 1982 et Robert Doisneau en 1983. Les images de couverture ont changé : chez le premier, le cycliste descendant les vieilles rues de Hyères en 1930 remplace une photographie très architecturée prise en Italie ; chez le second, les gamins faisant le poirier, « les pieds au mur », en 1937, se glissent en tête de gondole au lieu d’un autre cliché, tout aussi célèbre, les enfants de la place Hébert.

« Les enfants de la place Hébert, Paris 18e, 1957 ». Photo Robert Doisneau/Atelier Robert Doisneau
Le « plus » de ces rééditions tient à une meilleure impression, réalisée par un spécialiste de la photographie, EBS, à Vérone, en Italie. Retrouver Cartier-Bresson et Doisneau reste un bonheur absolu. Le cofondateur de l’agence Magnum, maître à penser de « l’instant décisif », nous impressionnera toujours avec son sens du cadrage, qu’il soit au milieu d’un groupe de gamins, à Madrid, en 1933 ; face à un Giacometti traversant une rue, sous la pluie, à Paris, en 1961 ou dans une prison américaine, en 1974, quand un détenu sort une jambe et un bras, poing levé, des grilles de sa cellule. La bonne idée du volume sur Doisneau est d’avoir privilégié l’interview à l’étude savante. Quand Sylvain Roumette lui demande quelle est la « bonne distance », le titi parisien lui répond : « Elle m’a surtout été dictée par la timidité. Je regrettais de ne pas pouvoir être plus proche des gens, mais je n’osais pas trop m’approcher. Et ce sont ces images, qui ont beaucoup d’air autour, qui sont les plus touchantes aujourd’hui. » A noter que deux grandes expositions sont consacrées à Robert Doisneau : la première vient de commencer au musée Maillol, à Paris, et se poursuivra jusqu’au 12 octobre ; la seconde aura lieu du 5 juin au 25 septembre au musée des Beaux-Arts de Pau. Belle idée d’escapade pour les Toulousains et tous les amateurs de photo de la région…
Autre photographe très connu, Sebastiao Salgado a toujours montré l’autre versant de l’économie mondialisée, donnant un visage à ceux – mineurs, récupérateurs, ouvriers du textile – qui usent leur santé au bénéfice de nous, Occidentaux. Il a aussi chroniqué les guerres et les famines, n’oubliant jamais de cultiver une esthétique soignée, ce qui lui a parfois été reproché. Christian Caujolle, l’ancien conseiller artistique de la galerie du Château d’Eau, à Toulouse, y répond dans l’introduction du livre : « On ne saurait taxer cette approche de formaliste, tant elle est sous-tendue par le point de vue « politique », par une émotion des rencontres, en tant elle se préoccupe d’organiser en récit des séries de hasards maîtrisés. »

« Sasha, Paris, 1985 ». Photo Poalo Roversi
Contrairement aux volumes précédents, celui de Paolo Roversi a été largement remanié avec 39 nouvelles photographies. Changement de portrait en couverture avec la délicieuse Kate Moss en noir et blanc, se cachant un œil avec une main lors d’une séance de studio en 1993. Elle remplace avantageusement un visage aussi flou qu’extatique explosant de couleurs dans l’édition de 2011. Le photographe de mode est un homme d’intérieur, utilisant avec la plus grande délicatesse la lumière artificielle, qu’il opte pour le noir et blanc ou pour la couleur. On aime ses portraits de jeunes femmes à la fois sensibles et sensuels, et ses nus, pour la plupart réalisés dans les années 1990 sont un miracle de légèreté, loin du registre agressif et souvent sinistre développé par certaines stars des magazines sur papier glacé.
Dans la collection Photo Poche d’Actes Sud : Henri Cartier-Bresson (n°2), Robert Doisneau (n°5), Sebastiao Salgado (n°55) et Paolo Roversi (n°133). Chaque volume 144 pages, 14,50 euros.