Chaque mercredi, on rend hommage à un grand classique du cinéma. A voir ou à revoir.
Nous nous sommes tant aimés d’Ettore Scola
L’amitié entre Gianni, Nicola et Antonio naquit en Italie dans les rangs de la résistance à l’occupant allemand. La Libération et la paix advenues au sein d’un pays en pleine mutation, ces trois hommes de gauche vont suivre des voies différentes tandis que Gianni et Antonio se disputeront le cœur de Luciana… Œuvre-phare de la comédie italienne dont il est aussi l’un des chants du cygne, le film d’Ettore Scola, sorti en 1974, a profondément marqué son époque tant par les thèmes évoqués (l’amitié, les illusions perdues, le désenchantement politique…) que par sa forme (flashbacks, utilisation du noir et blanc, personnages s’adressant au spectateur…). Ces procédés, qui n’étaient déjà pas inédits, ont été beaucoup vus depuis et, par là même, ont considérablement vieilli.
De fait, si Nous nous sommes tant aimés demeure important, c’est d’abord pour sa portée sociologique et historique. L’histoire que raconte Scola (et ses scénaristes, les fameux Age et Scarpelli) s’inscrit dans la période du « compromis historique », soit le rapprochement entre la Démocratie chrétienne et le Parti communiste, épisode qui se soldera plus tard par l’enlèvement et l’assassinat d’Aldo Moro. Aux grands idéaux révolutionnaires ont succédé le réalisme et la raison, voire le reniement et le cynisme, à l’image de Gianni, avocat ayant intégré la grande bourgeoisie. « Nous voulions changer le monde et c’est le monde qui nous a changé » : la phrase prononcée par l’un des personnages est devenue emblématique d’une mélancolie post-idéologique.
Une histoire du cinéma italien
Par ailleurs, Nous nous sommes tant aimés est grandement imprégné par l’Histoire du cinéma italien, gorgé d’extraits, de citations, de mises en abyme. Du Voleur de bicyclette de Vittorio De Sica (qui apparaît dans le film) à La Dolce Vita de Fellini (lui aussi jouant son propre rôle, en compagnie de Marcello Mastroianni, devant la caméra de Scola) en passant par des clins d’œil à Antonioni (liste non exhaustive), les références abondent, notamment dans le sillage de Nicola, intellectuel cinéphile incarnant une sorte de pureté et d’innocence qui sont la cause de sa marginalité.
Le choix des interprètes (en particulier Vittorio Gassman, Nino Manfredi et Aldo Fabrizi), acteurs phares d’un certain cinéma italien, participe à ce jeu de miroirs et de mémoire que Scola met en scène dans ces années 1970 qui annonçaient déjà le ressac des idéologies. La même année, en France, sur un sujet et des motifs voisins, Claude Sautet signait Vincent, François, Paul… et les autres, film qui reste aujourd’hui encore plus moderne que celui d’Ettore Scola.
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