Chaque semaine, on vous invite à lire une nouveauté, un classique ou un livre à redécouvrir.
Ce livre d’Eric Neuhoff, millésime 1987, était épuisé depuis longtemps, une bienvenue réédition (avec une préface inédite) vient de l’exhumer. Avec Lettre ouverte à François Truffaut, l’écrivain inaugurait une série de livres consacrés à sa passion pour le cinéma – La Séance du mercredi à 14 heures, Dictionnaire chic du cinéma, (Très) cher cinéma français (prix Renaudot de l’essai 2019), Petit éloge amoureux du cinéma – tandis que sa brûlante cinéphilie irrigue également d’autres titres de celui qui a été longtemps chroniqueur au « Masque et la Plume » et qui signe depuis de longues années des critiques, portraits ou chroniques dans Le Figaro.
Mais remontons le temps. Flash-back. En 1987, la disparition du cinéaste est encore toute récente (31 octobre 1984) et le jeune Neuhoff d’alors s’adresse à Truffaut comme à « un éternel grand frère » lui ayant fait faux bond. Exercice d’admiration, ce petit livre regorge de confessions, de souvenirs, de réflexions. L’auteur des Hanches de Laetitia (prix Roger Nimier 1990) et de La Petite Française (prix Interallié 1997) se souvient d’avoir vu pour la première fois La Peau douce à la cinémathèque de Toulouse au milieu des années 1970. Paris et ses cinémas tiennent aussi un rôle non négligeable dans cette évocation. Evidemment, la Nouvelle Vague, Godard, Jean-Pierre Léaud apparaissent au générique. Les actrices (Françoise Dorléac, Claude Jade, Jacqueline Bisset, Isabelle Adjani…) ne sont pas oubliées.
Le cinéma plus important que la mort
« Nos vies ressemblent trop souvent à des citations de vos films », fait mine de regretter Neuhoff qui trouve que le noir et blanc allait si bien au réalisateur des Quatre Cents Coups et de Jules et Jim. Il y a mille bonheurs de lecture au fil de ces pages tour à tour ou à la fois pétillantes, nostalgiques, drôles, insolentes, mélancoliques. « Les films sont plus harmonieux que la vie, Alphonse, il n’y a pas d’embouteillages dans les films, il n’y a pas de temps mort, les films avancent comme des trains, tu comprends ? Comme des trains dans la nuit. Les gens comme toi, comme moi, tu le sais bien, on est faits pour être heureux dans le travail, dans notre travail de cinéma », disait Truffaut (alias le personnage de Ferrand qu’il interprétait) dans La Nuit américaine.
Neuhoff complète en estimant que le cinéma est « plus important que la mort ». « Dans mon carnet d’adresses, à la lettre T, il y a un numéro de téléphone qu’on m’avait juré être le vôtre. Je ne l’ai jamais appelé. Je ne l’ai toujours pas effacé », écrivait-il encore. Il a eu raison. On ne sait jamais. Les miracles ne sont pas interdits, et pas seulement sur les écrans.
Lettre ouverte à François Truffaut • Albin Michel