L’Histoire de Souleymane, un film de Boris Lojkine
Le troisième opus de Boris Lojkine est un véritable thriller… social. Il nous met dans la roue d’un livreur à vélo, sans papiers, un jeune Guinéen de 23 ans devenu un véritable esclave des temps modernes. Stupéfiant et terriblement bouleversant.
Souleymane pédale toute la journée. Avec sa caisse bleue, il livre des repas dans tout Paris, affrontant une circulation dangereuse mais aussi des clients pas nécessairement accueillants. Voire pire ! A une heure précise de la soirée, il doit rejoindre le point de ramassage destination le foyer social dans lequel il pourra prendre une douche, dormir dans un immense dortoir et se nourrir. Souleymane n’est pas titulaire du compte de livraison et celui qui lui loue son numéro à prix d’or n’est pas des plus réglos quant au versement des montants qu’il lui doit. Souleymane vit au jour le jour dans l’attente du précieux document administratif qui l’autorisera à rester en France. L’entretien décisif au terme duquel le sésame devrait lui être accordé a lieu dans deux jours. Un escroc fait miroiter à ces demandeurs d’asile les vertus d’une histoire à raconter pour « séduire » l’administration. C’est la même pour tout le monde et bien sûr il faut le payer… Pour ne rien arranger, sa petite amie, restée en Guinée, lui annonce son mariage. L’heure de l’entretien arrive. Le film bascule alors dans un abîme d’émotions que vous ne pourrez pas contenir. Cette scène entre Souleymane et l’agente de l’OPFRA*, exceptionnelle Nina Meurisse, est bouleversante car elle raconte en fait la véritable histoire de l’acteur interprétant Souleymane : Abou Sangaré.
Primé à Cannes pour son interprétation, Abou Sangaré est toujours sous le coup d’un OQTF. La préfecture de la Somme, qui a son dossier en main, a cependant consenti à examiner, pour la quatrième fois, sa demande… En tout état de cause, Boris Lojkine a mis la main, lors d’un casting sauvage, sur un comédien incroyable. Ses regards, ses silences, sa voix, tout concourt à l’éloigner des démonstrations tapageuses pour laisser éclater un talent naturel ahurissant de profondeur. Il est une preuve éblouissante que, parfois, l’immigration peut être une chance pour la France.
* OPFRA : Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides