Les Fantômes, un film de Jonathan Millet
C’est le choc cinéphilique de l’été 24 à coup sûr ! Le premier long du réalisateur français Jonathan Millet vous cloue littéralement à votre fauteuil et n’a pas fini de vous hanter. Une incroyable et magistrale réussite !
Dans un camion bâché fonçant à toute allure, le bruit est assourdissant. Lorsqu’il s’arrête, le paysage dévoile… un désert. C’est là que vont être abandonnés à leur sort une poignée de résistants à Bachar El-Assad. Parmi eux, Hamid. Il vaincra la faim, la soif et autres périls. Nous retrouvons ce jeune syrien deux ans après à Strasbourg. Il s’arcboute à son statut de réfugié et ne veut pas quitter la France. De rendez-vous en rencontres, d’interrogatoires en filatures, de squats en camps de réfugiés, le personnage commence à se dessiner. En fait il appartient au groupe international Yaqaza chargé de traquer des tortionnaires syriens. Hamid a été victime de l’un d’eux, un certain Harfaz. De nombreuses fois, alors qu’Hamid a la tête recouverte d’un sac, Harfaz l’a torturé. Ils ne se connaissent pas visuellement mais Hamid a gardé parfaitement la voix et l’odeur de son tortionnaire dans sa mémoire. D’ailleurs il pense l’avoir repéré grâce à une photo dont le flou pose des questions. Et s’il se trompait ? Persuadé du bienfondé de sa traque, Hamid va risquer le tout pour le tout et l’approcher. Ce jeu du chat et de la souris se transforme en une quête fiévreuse dans laquelle se croisent de multiples interrogations au sein desquelles le doute tente de se frayer un chemin entre la vengeance et la justice.
Jonathan Millet est avant tout un documentariste. Il a sillonné la Terre entière et pas forcément à partir de catalogues sur papier glacé. Il a donc, entre autres lieux, posé sa caméra en Syrie. C’est de cet épisode qu’est née la fiction Les Fantômes. Sérieusement documentée, d’une exceptionnelle précision de montage, de cadrage, de lumière, de mise en scène, elle nous saisit avec une âpreté de ton qui prend à la gorge. D’autant que deux acteurs la portent sur leurs jeunes épaules. Adam Bessa est un Hamid dont le visage reflète intensément le soleil noir qui le brûle. Il est magistral. Face à lui, Tawfeek Barhom (Harfaz) tente de se fondre dans le décor avec une aisance qui semble laisser peu de place au repentir. Ils sont les deux faces d’un même drame liberticide qui ensanglante encore nos jours.
Du très grand cinéma, témoin de notre temps. A voir impérativement.