Il est comme cela des rendez-vous lyriques qui marquent, non pas au fer rouge, mais parce qu’ils vous remplissent l’âme d’une multitude de bonheurs. Le récital que vient de donner au Théâtre du Capitole, en ce 29 février 2024, dans le cycle des « Midi du Capitole », le ténor tchèque Petr Nekoranec, en distribution dans Idomeneo en ce moment in loco, fait partie de ceux-là.
Ces bonheurs sont de natures différentes mais tous se conjuguent. A l’ouverture du programme de salle, il y a tout d’abord cette invitation à un voyage musical européen enthousiasmant. L’Italie ouvre le bal avec Ottorino Respighi. Départ ensuite pour un long périple qui nous fera passer par la Hongrie (Franz Liszt), la Norvège (Edvard Grieg), la Suède (Carl Leopold Sjöberg), la Tchécoslovaquie bien sûr (Bohuslav Martinu, Leos Janacek), la France (Reynaldo Hahn, Claude Debussy et Gabriel Fauré), l’Angleterre (Iain Bell) et la Russie (Sergueï Rachmaninov). Pas d’opéra ici mais des mélodies qui ont marqué la jeune vie de cet artiste et, comme il le précise en toute simplicité pendant ce concert, des mélodies qui emplissent son âme. Si Petr Nekoranec s’attache à nous parler plus précisément des trois mélodies qui forment le cycle signé du compositeur britannique contemporain Iain Bell : The undying splendour, c’est parce qu’il évoque la guerre mais aussi parce qu’il est chanté pour la première fois en France. Petr Nekoranec est dédicataire de cette œuvre qu’il interprète avec un émotion telle que le public lui offrira spécialement à cette occasion une véritable ovation. Parler d’émotion c’est évoquer l’autre grand bonheur de ce récital : l’incroyable charme émotionnel qui s’en dégage. Bien sûr peu de personnes, dont le signataire de ces lignes, comprennent l’intégralité des textes chantés par cet artiste incroyablement polyglotte (il maîtrise parfaitement 6 langues !). Mais qu’à cela ne tienne, le charme opère au travers d’une extrême musicalité, de nuances infinies, de vibrations permanentes et du velours d’un timbre qui sait prendre mille couleurs tout au long d’un ambitus d’une grande profondeur. Du grand art !
Enfin, et en parlant de bonheur, le pianiste de ce concert n’est autre qu’une légende vivante des récitals lyriques, l’Italo-américain Vincenzo Scalera, celui-là même dont ne pouvaient se passer Carlo Bergonzi, Montserrat Caballé, José Carreras, Renata Scotto, entre autres. C’est dire ! Il se révèle ici un partenaire autant symphonique, au besoin, que d’une complicité bouleversante (ah, cette Heure exquise de Reynaldo Hahn !). Le public qui emplissait à ras bord le Capitole n’allait pas laisser partir ces artistes sans un petit supplément. La romance de Nadir des Pêcheurs de perles de Georges Bizet et celle signée Gabriele Sibella : La Girometta, achèvent de transformer ce « Midi » en un inoubliable rendez-vous.
Robert Pénavayre
une chronique de ClassicToulouse