Idoménée est bien le premier des sept grands opéras du divin Mozart, globalement le dernier des opéras seria avant la série des chefs-d’œuvre. Arrive au Théâtre du Capitole, cette coproduction avec le Festival d’Aix-en-Provence donnée alors durant le Festival de l’été 2022. Ce sera pour cinq représentations du 27 février au 7 mars 2024. Durée environ trois heures.
En trois actes, musique de Wolfgang Amadeus Mozart, sur un livret de Giovanni Battista Varesco, il fut créé le 29 janvier 1781 à Munich au Théâtre Cuvilliés, et subira quelques modifications par la suite. L’argument profond est extrait d’un livret d’Antoine Danchet pour un Idoménée, tragédie lyrique du compositeur français André Campra en 1712, mais c’est le chapelain de la cour de Salzbourg qui fut chargé d’écrire le texte en italien pour l’opéra que l’Électeur Karl-Téodor de Bavière avait commandé à Mozart en vue du Carnaval de 1781 à Munich. Et c’est lui qui modifie la fin, rendant le dénouement heureux (lieto fine) pour se conformer au goût italien. De plus, c’est pour le Carnaval ! Cela fait bientôt six ans que les talents de compositeur de Mozart n’ont pas été sollicités. Il n’est que temps. On parle de plusieurs dizaines de lettres concernant le livret, échangées entre Wolfgang arrivé trois mois avant la création et son père.
De façon opiniâtre, le musicien souhaitait une action dramatique concentrée et efficace, Mozart discutant pied à pied sur l’emploi du moindre mot pour choisir le plus apte à être chanté. Pas de correspondance sur la création elle-même, Léopold étant arrivé aussi à Munich. Il n’empêche que les surtitres vous seront d’une grande utilité si vous souhaitez suivre l’action. Mais on peut tout autant s’immerger avec grande excitation dans cet océan de musique et de chant, véritable ivresse musicale. Et, nous faisons toute confiance en Christophe Ghristi pour nous livrer un Idomeneo dont la partition ne sera ni mutilée, ni trafiquée malgré ses variantes successives.
Abordons le synopsis et les acteurs. L’action se développe sur plusieurs niveaux qui s’interpénètrent. Nous sommes à Sidon, capitale de la Crète, après la guerre de Troie. Au milieu d’une tempête provoquée par un Neptune très en colère, Idoménée, roi de Crète a failli périr noyé au retour de Troie, (le ténor Ian Kosaria). Pour apaiser les dieux, il a fait un vœu terrible : sacrifier au Dieu de la mer, Neptune, le premier être qu’il rencontrera. Il se trouve que ce sera son fils Idamante (le ténor Cyrille Dubois – voir son ITV dans le Vivace n° 18). Fils et père ne se connaissent pas, le père étant parti depuis longtemps faire la guerre aux Troyens. Cela nous vaut un très grand moment d’opéra lors de leurs retrouvailles. De plus, ce fils est amoureux d’une princesse troyenne, Ilia, fille du roi Priam, prisonnière en Crète, (la soprano Marion Perbost – ah, la fameuse La Folie dans ce mémorable Platée ! ). Mais, il est aussi poursuivi par la passion amoureuse de la princesse Electre, Elettra ?(la soprano Andreea Soare – Musette dans La Bohème ). Idoménée tente d’éloigner son fils, sur les conseils de son confident Arbace (le ténor Petr Nekoranec – fort bon Comte Almaviva dans le dernier Barbier). Ce dernier lui conseille de l’éloigner et de l’envoyer en Grèce, ce qui ne peut que réjouir Electre, qui serait du voyage, même si la manœuvre ne peut que rendre plus furieux encore le Dieu de la Mer.
Lorsque le Grand Prêtre (le ténor Kresimir Spicer qui a déjà chanté le rôle-titre) finit par imposer l’exécution du vœu et qu’Idoménée s’apprête à immoler le fils sacrifié, Ilia veut prendre sa place quand soudain, une Voix (une basse) venue d’ailleurs s’interpose, abolit le sacrifice sanglant, impose l’abdication du roi Idoménée et établit à la place le règne du couple Idamante – Ilia après qu’Electre succombe d’un trop-plein de haine. On remarque pas moins de deux naufrages dans cet opéra : celui d’Idoménée qu’on croit noyé, « Pieta ! Numi pieta! »), puis celui d’Ilia sauvée par Idamante. C’est bien le Dieu des mers, Poséidon/Neptune, finalement, qui est le personnage principal, comme il est l’ennemi d’Ulysse, tentant de retourner vers Ithaque. Tempêtes qui ne sont d’ailleurs que les troubles du cœur d’Idoménée.
Ce résumé ne peut signaler quelques ressources dramatiques dont Mozart pouvait disposer, comme les scènes capitales faisant du chœur de foule un acteur de premier plan, tout comme des éléments déchaînés par la fureur des dieux. On remarquera le chant de la princesse jalouse, Electre dont la passion extrême est traduite par une écriture enthousiasmante. Et tout autant, la profonde tendresse du couple appelé à régner avec le passage du règne d’un roi absolu à celui d’un couple qui instaure une société de liberté. Vœu du dieu Neptune. C’est l’écriture d’un génie de vingt-cinq ans qui est bien loin de son opéra Lucio Silla écrit lorsqu’il avait quinze ans. Mozart a un peu vécu depuis.
Il va parfaire son ouvrage, et par exemple, pour chanter Idamante, dès son retour à Vienne, il va abandonner l’écriture pour castrat et choisir un ténor. La version de Munich conservera l’écriture qui sera confiée à une voix féminine. Ici, nous avons donc le ténor Cyrille Dubois (Dans le Viol de Lucrèce, il fut un Chœur masculin enchanteur. Sans oublier les Cantiques de Britten toujours).
C’est ainsi qu’avec des machineries incroyables, un orchestre de musiciens parmi les meilleurs de son temps, Mozart va faire éclater le dit opéra seria. Idomeneo débute par une Ouverture nous accueillant par un ré majeur éclatant. Fort prisée elle résistera même lorsque l’opéra tombera passagèrement dans l’oubli. Il faudra s’intéresser fortement, donc plus que de coutume aux récitatifs qui comme chacun le sait, ce sont eux qui font avancer, progresser l’action, et non pas les arias. Ils sont d’une vie extraordinaire et se transforment souvent en véritables ensembles surtout lorsque le chœur s’en mêle. Les arias sont des sommets d’écriture pour le chant, et ce pour tous les protagonistes, et on redoublera d’attention pour ce qu’il en est des duos !!
Repérer enfin l’intervention de la Voix, l’Oracle avec ses cors et ses trombones.
Et si on doit faire un parallèle entre son opéra préféré, on le sait, et sa propre vie, on voit mal en effet Wolfgang à 25 ans, abdiquer encore devant son père d’où la nécessité de modifier la fin de son opéra et s’arranger pour qu’elle soit plus heureuse pour le fils Idamante et son amour Ilia. C’est un peu “l’amour triomphant de l’interdit paternel“. Idomeneo peut être vu comme une “irrépressible force qui va“ et apparaître comme un chant de la vie libre. D’où aussi la place aussi éclatante que signifiante des chœurs qui sont chargés de superbes ensembles. Mozart termine d’ailleurs par un chœur joyeux en ré majeur, miroir annoncé de l’Ouverture. À la tâche, ce sont les membres du Chœur de chambre les éléments et leur Chef de chœur Joël Suhubiette. Dans la fosse, les musiciens de l’Orchestre national du Capitole de Toulouse. À la direction musicale, c’est le retour de Michele Spotti jeune chef qui avait enthousiasmé le Théâtre lors de sa direction des huit représentations de Traviata données la saison dernière. Il relève le gant et s’attaque à une partition aux dimensions imposantes et à la richesse de contenu indéniable. Idomeneo reste une œuvre expérimentale, mais cimentée par la maîtrise de la composition de Mozart qui nous émerveille par sa richesse, sa profondeur, l’audace stylistique, technique et expressive.
Il ne reste plus que le côté théâtre pour parfaire le troisième volet après les deux pépites que constituent la musique et le chant. La mise en scène est confiée à Satoshi Miyagi, l’un des plus importants metteurs en scène japonais, surtout de théâtre, actuels. Etoffe l’équipe artistique, Honoh Horikawa de même que Junpei Kiz pour la scénographie. La styliste Kayo Takahashi Deschene est chargée des costumes et Yukiko Yoshimoto, des lumières. La chorégraphie est de Akiko Kitamura. L’idée principale consiste en un parallèle entre les situations exposées dans Idoménée et la situation du Japon en 1945, dans un pays vaincu et moribond.
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