Bâtiment 5 un film de Ladj Ly
Après nous avoir littéralement éblouis en 2019 avec son premier long : Les Misérables, un film couvert de lauriers (Cannes, Césars, etc.), nous étions tous dans l’attente du second opus de Ladj Ly. Le voici, toujours aussi sombre et violent.
Ce qu’il nous donne à voir dans ce film, il en a été aussi le témoin. Cela suffit pour le regarder d’une toute autre manière qu’une simple fiction. Le réalisateur nous transporte à nouveau dans une de ces cités où le non-droit fait la loi. Cité-refuge pour les damnés de notre temps : immigrés, chômeurs, sans-abris. Le Bâtiment 5 en question est une « barre », traduisez une cage à lapin où s’entassent dans des conditions lamentables les susnommés. Avec le cortège qui accompagne ce genre de situation immobilière : pas d’ascenseur, fuites à tous les étages, insalubrités et autres joyeusetés. Cela étant, des gens vivent et meurent dans ces immeubles devenus leur « chez-soi », des appartements dans lesquels malgré tout ils ont su faire pousser un semblant d’humanité et de communauté. Mais voilà, l’immeuble en question se trouve dans le panorama d’une rénovation urbaine. Traduction, il doit être démoli. Les habitants vont un temps s’insurger, discuter avec le Maire en termes de relocation. Rien n’y fait. L’expulsion manu militari pointe le bout de ses godillots. L’un des occupants va partir en vrille…
Mis en scène et monté avec une virtuosité qui vous prend à la gorge de la première à la dernière image, ce film, militant n’en doutons pas un seconde, pose pas mal de questions dont la première est l’existence de ces bidonvilles à étages. En creux et très adroitement, il trace aussi le portrait peu flatteur d’un Maire en proie aux exigences « politiques » de son mandat. Mais aussi des dangers de son exercice…
Ladj Ly retrouve ici Alexis Manenti, son flic des Misérables, celui qui endossait les pires vices du métier : violence, racisme, combines, etc. Il ne lui offre pas « mieux » dans le rôle de Pierre Forges, un Maire d’une veulerie insoutenable. Mais quel acteur ! Nous découvrons avec plaisir Anta Diaw dans le personnage d’une jeune femme qui ose dire non à tout cela et qui va affronter l’élu sur son propre terrain. Tous les comédiens, professionnels ou pas, sont au cordeau et participent à nous asséner ce genre d’uppercut si précieux au cinéma afin de nous empêcher un sommeil coupable.