Après être venu très souvent à Toulouse aux Arts Renaissants et à Odyssud, l’immense artiste qu’est Jordi Savall est à présent programmé régulièrement à l’Opéra national du Capitole, cette fois ci dans un magnifique et intimiste programme de musique sacrée de Charpentier dédié à la Vierge Marie.
Jordi Savall nourrit une affection particulière pour cette musique du Grand Siècle depuis qu ‘il a enregistré de façon sublime en 1989 le présent programme (avec à l’époque Montserrat Figueras et Gérard Lesne).
Et le miracle de douce ferveur que dégage cette musique bouleversante s’est à nouveau produit hier soir, avec la belle fusion des timbres des six chanteurs de la Cappella Reial de Catalunya et le velouté des somptueuses violes du Concert des Nations, au sein duquel Jordi Savall joue le Pardessus de viole (viole la plus aigüe) et dirige l’ensemble.
La splendide interprétation de ces neuf motets mêle avec bonheur intériorité et virtuosité, mysticisme et théâtralité. Elle culmine en fin de programme avec l’hypnotique et bouleversant Stabat Mater pour des religieuses, grâce à la simplicité étonnante de cette musique presque immobile ou les strophes se succèdent dans un dialogue entre les chanteuses situées dans la loge d’avant scène et les chanteurs restés sur scène.
Les sublimes Litanies à La Vierge viennent clôturer ce concert acclamé par un public enthousiaste, si bien que Jordi Savall donne un bis de Charpentier qu ‘il dédie aux victimes de la guerre aussi bien israéliennes que palestiniennes. Le grand artiste catalan est, on le sait, un fervent ambassadeur pour la Paix d l’Unesco, et un acteur infatigable et inspiré de la rencontres et du dialogue des musiques et des cultures méditéranéennes.
Au sein de ce groupe d’excellents chanteurs à la couleur très homogène s’est dégagé la voix merveilleuse et rayonnante de la jeune soprano Elianor Martinez, dont le timbre fruité et les ornementations nous ont comblé.
L’acoustique parfaite du proscenium de l’Opéra national du Capitole, précise sans être sèche, nous a permis d’entendre toutes les subtilités de l’interprétation et de l’écriture musicale très raffinée de Charpentier. Pour autant il nous aura juste manqué le cadre plus adéquat d’une église afin d’avoir le petit « plus » de réverbération nous permettant d’ accéder davantage à la dimension mystique de cette musique on ne peut plus spirituelle.
….Et pour poursuivre ou découvrir davantage la musique sacrée de Charpentier, je ne saurais trop vous recommander :
– l’enregistrement de Jordi Savall de 1989 paru en CD chez Astrée et la captation audiovisuelle de ce programme réalisé à la Chapelle Royale de Versailles et visible sur Youtube
– les CD Charpentier de William Christie et de Sébastien Daucé