Nouveaux changements pour les prochains concerts de l’Orchestre national du Capitole
Grand moment en prévision sur deux dates avec deux partitions incontournables, le Concerto pour piano et orchestre n°4 de Beethoven suivi de la Symphonie n°4 de Brahms. C’est à la Halle à 20h le jeudi 7 décembre et le vendredi 8. À la tête de l’Orchestre national du Capitole de Toulouse, Tugan Sokhiev, En raison de problèmes de santé, Maria João Pires est contrainte d’annuler tous ses prochains concerts pour une durée indéterminée. C’est le pianiste Jean-Frédéric Neuburger qui la remplacera à Toulouse, les jeudi 7 et vendredi 8 décembre 2023, sous la direction de Tugan Sokhiev.
D’entrée, nous vous informons que nous n’écrirons pas d’informations question bio sur aucuns des trois protagonistes à savoir, le chef Tugan Sokhiev d’abord qui a donné tant de concerts au public de la Halle, ni sur la pianiste Maria Joāo Pires de réputation telle qu’il serait lassant d’égrener tous les magnifiques moments qu’elle a pu offrir au public ici même et dans tant de salles de concert. Non plus pour l’ONCT dont la réputation enfle toujours un peu plus et il n’est pas interdit, la reconnaissance en étant prouvée, qu’hormis les phalanges parisiennes, il fasse partie du trio de tête des orchestres français. Preuve il en est que la nouvelle “coqueluche“ des jeunes chefs, Tarmo Peltokoski, sollicité par des dizaines de structures, a signé pour passer plusieurs semaines sur les bords de Garonne en tant que son directeur musical. Et ce, à 23 ans !
Focalisons donc notre attention sur les deux œuvres au programme.
La composition de ce concerto a vu son achèvement courant 1806. Entre 1801 et 1809, cinq concertos pour piano seront composés, un cycle essentiel dans l’Histoire de la musique. Le Troisième fera basculer dans le Romantisme, et les deux derniers seront sous le signe de la Liberté. On sait que Ludwig van Beethoven a, comme on dit, plusieurs plats au four. Les premières esquisses de ce Quatrième remonteraient à 1802. Fait capital, me semble-t-il, sa surdité s’accentue hélas de plus en plus depuis le début de ce dix-neuvième siècle. Il y aura une audition privée chez un prince mécène bien sûr, le dénommé Lobkowitz en mars 1807 suivi d’un concert public au théâtre An der Wien le fameux 22 décembre 1808, une mémorable soirée avec le compositeur au piano. Seront interprétés en première audition la Cinquième et la Sixième et le Concerto n°4 ainsi que la Fantaisie chorale. On parle même d’extraits de la Messe en ut majeur et on aurait chanté le Ah ! perfido…
Le concerto fut joué une autre fois à Leipzig en 1809 et on a pu lire comme commentaire : « …cette œuvre de Beethoven est la plus merveilleuse, la plus étrange, la plus artistique, la plus difficile de toutes celles qu’il a écrites ». Le commentateur souligne “la pureté indescriptiblement expressive “ de l’Andante et“ la joie puissante qui s’élève sans contrainte du Rondo vivace“.
Bizarrement, c’est, en nos jours, un concerto moins apprécié par le “grand public“ que le Troisième ou le Cinquième mais par contre, davantage par les “connaisseurs“.
Original, cet allegro moderato de départ l’est aussi par l’entrée du piano : contrairement à la tradition concertante de l’époque, où l’arrivée du piano est toujours précédée d’un long tutti orchestral consacré à l’exposition des différents thèmes, c’est le soliste qui débute seul et après cette brève introduction, il se tait ! nous ne l’entendrons plus pendant les trois minutes suivantes. Ce premier mouvement va durer entre 17 et 19 minutes alors que les deux suivants seront au total sur une quinzaine et enchaînés.
Sans équivalent dan l’œuvre symphonique de Beethoven, l’andante est à la fois le mouvement le plus court et le plus dramatique des sept concertos qu’il aura composé. Il atteint une forme de sommet car piano et orchestre y alternent dans un dialogue aux accents d’une gravité telle que qu’aucun concerto n’en a jusqu’à présent fait entendre. « Espace et temps, ici, ne font plus qu’un. » Acte I – Parsifal
Comme les autres finale, c’est un Rondo qui s’enchaîne avec son caractère vif et brillant, triomphant même, avec un tempo particulièrement rapide. La virtuosité du soliste apparaît comme…indispensable. Les trompettes et les timbales absentes de l’Allegro moderato entrent en scène, venant renforcer l’orchestre pour lui donner plus de couleur et de brio. Un climat de désinvolture libre et fastueuse anime le thème initial, et plus encore la progression de ses entrées aux cordes, piano, tutti, et le développement. La démarche affirmée du Rondo tout entier se met en contradiction et refuse l’angoisse tragique et sublime qui l’a précédée.
On laisse de côté ici, les problèmes de mécanismes de piano una corda ou tre corda, ceux de cadences, de pianos utilisés.
Symphonie n°4 en mi mineur, op. 98
I. Allegro ma non troppo
II. Andante moderato
III. Allegro giocoso – Poco meno presto – Tempo I
IV. Allegro energico e passionato – Più allegro
Durée totale : 13/ 13 /7 / 10 : 43’ environ
Brahms a composé les deux premiers mouvements durant l’été 1884. Les deux derniers furent écrits l’été suivant. On sait qu’alors, la vie de Brahms se partageait équitablement entre le travail de composition et les tournées de concerts. Il produisait pendant l’été et faisait connaître pendant l’hiver. En 1884, il avait projeté de passer l’été à Ischl (Hte-Autriche), comme les années précédentes. Mais, à la dernière minute, craignant un été pluvieux, il se rend en Styrie du sud en Autriche, la Toscane styrienne ! Enchanté de cette escapade conséquente, il y retournera l’été suivant. Deux étés qui nous vaudront cette quatrième symphonie.
Suivront les répétitions, à Meiningen, sous la direction d’un certain Hans von Bülow. Ce dernier, ex-époux de Cosima, fille de Liszt, partie dans les bras de Wagner, qualifie cette symphonie de “gigantesque“, “profondément originale“, “dégageant de A à Z une énergie incomparable“. Brahms se charge “méticuleusement et commodément“ de la Générale le 24 octobre 1885. Le jeune Richard Strauss, 21 ans, est là, car attaché à l’orchestre de la cour de Meiningen. Le lendemain, la Première publique sera triomphale. Brahms part en tournée en Hollande et Allemagne, succès partout. Vienne, c’est en janvier 1886 avec un public boudeur. Peu importe, c’est l’enthousiasme à Leipzig, à Hambourg, etc…
« Sa nouvelle symphonie est sans nul doute une œuvre colossale, grande du point de vue de la conception et de l’invention, géniale dans le traitement de la forme et de la construction des périodes, elle est d’une force et d’un allant éminents, nouvelle et originale ; et c’est, partant, du Brahms de A à Z. En un mot, un réel enrichissement de notre art musical. Il est presque impossible de trouver les mots pour décrire toute la beauté contenue dans cette œuvre, on ne peut que continuer à l’écouter avec attention, et à l’admirer. » Richard Strauss, après la Première.
Signalons que pour l’effectif orchestral, les bois sont par deux, dont un piccolo dans le troisième, et un contrebasson, quatre cors, deux trompettes, trois trombones pour le finale, timbales, triangle et bien sûr, les cinq pupitres de cordes.
« Nul – qu’il l’aime ou l’exècre – ne peut refuser à Brahms une personnalité qui fait précisément qu’on l’accepte ou qu’on le rejette : sa musique entraîne du premier coup l’adhésion ou le refus. Point de milieu. Il est même rare que, ne l’ayant point aimée d’emblée, on parvienne, en essayant de la comprendre mieux, à y trouver quelque attrait, et cela tient sans doute à ce qu’il n’existe pas de musique qui dégage autant que celle-ci un parfum de mélancolie dont l’auditeur reste comme imprégné. On aime cela ou bien on le déteste, on ne peut demeurer indifférent à ces effluves puissants de nostalgie, à ces appels venus d’un pays qui ressemble à celui où Tristan invite Iseult à le suivre ; » Dem Land, das Tristan meint, der Sonne Licht nicht scheint… » Si le soleil luit sur cette terre où Brahms se plaît à nous conduire, ses rayons ne peuvent dissiper les brumes de la mélancolie. Elles flottent, éparses, légères tantôt, plus souvent épaisses, et si elles se déchirent c’est pour se reformer presque aussitôt, à l’endroit même qu’on s’en croit délivré, au détour de quelque scherzo plein de bonne humeur, de quelque vivace pétulant. » René Duménil
À propos de Brahms et de ses apports, entre autres de la Symphonie n°4 : « Le sens de la logique, le sens de l’économie, la puissance d’invention qui ont su créer de telles mélodies où tout coule de source, justifient l’admiration de tout musicien amoureux de son art, de tout musicien qui attend mieux de la musique qu’un peu de douceur. » Arnold Schœnberg. Le style et l’idée. 1947, mais encore : « Il est important de relever qu’à l’époque où chacun ne croyait qu’à l’“expression“, Brahms, sans renoncer pour autant à la beauté et à l’émotion, se montra un progressiste dans un domaine qui était resté en friche tout au long d’un demi-siècle. Il eut déjà été un pionnier s’il avait simplement opéré un retour à Mozart. Mais il ne vécut pas sur un fond hérité, il édifia sa propre fortune. »
Les plus érudits en musicologie pourront s’exercer à repérer et compter les plus de trente variations rencontrées dans le dernier mouvement, coda comprise !
Orchestre national du Capitole