Les nouvelles qui envahissent depuis quelque temps les médias français spécialisés dans l’art lyrique sont assez traumatisantes pour que nous jetions un œil critique sur la situation de l’Opéra national du Capitole, alors qu’un cahier noir, à tous les sens du terme, titré La Saison fantôme, vient d’être remis au Ministère de la Culture par Les Forces Musicales, syndicat professionnel représentant 51 institutions lyriques ou symphoniques françaises. Toutes les Régions de France sont concernées et le bilan, hélas provisoire, est alarmant. De cette étude concernant autant la danse que l’opéra et le concert, il ressort une perte de 150 000 spectateurs ainsi que la suppression de 2000 emplois artistiques, particulièrement chez les intermittents. En cause la baisse des financements et l’inflation. Ajoutons à ce tableau peu lumineux des crises managériales et, dernièrement, selon nos confrères de La Provence, un rapport de la Chambre régionale des Comptes épinglant sérieusement l’une des grandes scènes lyriques du Sud de la France.
Saisons squelettiques, opéras donnés en version concert, des lendemains vraiment très préoccupants se dessinent pour les artistes et le public. Mais alors, qu’en est-il de notre cher Capitole ?
La Ville rose aurait-elle trouvée la martingale pour ne pas suivre pareil chemin ? A l’évidence, oui.
Tout d’abord, et en dehors d’une quelconque réflexion prêtant à subjectivité, les chiffres parlent d’eux-mêmes. Ils sont inattaquables! Jugez-en. Pour la saison 22/23, l’Opéra national du Capitole a connu un taux d’occupation de 91% pour l’opéra et de 97% pour le ballet !
Autre chiffre plus qu’intéressant, avec 75911 billets vendus, c’est une hausse de 11,71% dont l’institution peut se flatter. Autre bonne nouvelle, avec 2541 abonnements souscrits, c’est 8% de plus que la saison 22/23. De quoi envisager l’avenir sous les meilleurs auspices.
Pareil bilan réclame un coup d’œil sur la motivation du public. L’explication saute aux yeux et aux oreilles.
La saison dernière, Christophe Ghristi, directeur artistique du Capitole, a structuré une programmation dans laquelle figuraient entrées au répertoire et blockbusters (pardon pour ce terme cinématographique). La bohème, Les Noces de Figaro, Tristan et Isolde, La Traviata assurent des salles pleines. Que penser alors de Rusalka, Le Viol de Lucrèce et Mefistofele qui ont connu le même succès ? La réponse est plurielle.
Elle se trouve tout d’abord dans l’appétence du public toulousain dont l’ADN lyrique est plus que centenaire. Un ADN qui aurait pu se diluer avec le Covid mais que Christophe Ghristi a littéralement fouetté avec des productions et des distributions dont le seul bouche à oreille immédiat a provoqué la venue en masse de spectateurs. Pour parler de ces derniers, avides de découvertes, il faut reconnaître que le Capitole leur offre en la matière des menus de choix. Loin de tout coûteux et bien inutile star-système dans ses distributions, Christophe Ghristi propose d’entendre souvent de jeunes chanteurs à l’orée de grandes carrières, entourés d’interprètes plus aguerris avec lesquels il a su constituer ce qu’il appelle affectueusement « la famille ». Chefs d’orchestre, metteurs en scène, chanteurs, tout ce monde est invité à fouler soit pour une première fois, soit pour une prise de rôle, les célèbres planches capitolines lors de spectacles parfaitement aboutis et longtemps travaillés in loco. Repérés par un public connaisseur, ils deviennent en revenant les meilleurs ambassadeurs de cette maison d’opéra.
Les récitals et les Midis du Capitole accueillent de grands noms de la planète lyrique mondiale comme de jeunes pousses prometteuses et cela à des prix imbattables, entre 5 et 20€. Pour rappel, les places pour le concert, malheureusement annulé, que Mylène Farmer devait donner à Paris dernièrement étaient comprises entre 65€ et 175€.
La saison 23/24, ses 7 productions lyriques scéniques, ses 5 programmes de ballet et ses 19 concerts et récitals s’annonce mal… pour le public imprévoyant si l’on en juge déjà par l’ouverture, Les Pêcheurs de perles, dont la série affiche déjà quasiment complet pour toutes les représentations.
Derrière tout cela, il y a, outre un bel orchestre, de magnifiques chœurs placés sous la direction de Gabriel Bourgoin et des équipes techniques remarquables, un trio d’exception. Représentant de la Métropole, Francis Grass, Président de l’Etablissement public du Capitole, adjoint au Maire de Toulouse, se bat pour l’Opéra national du Capitole, contre vents et marées alors que beaucoup souhaitent un fléchage budgétaire vers des genres grand public (comme si…). Il y a bien évidement le capitaine à la barre de ce navire amiral de la culture toulousaine : Christophe Ghristi, dont la connaissance du métier et de son environnement est sans faille, sans parler de son respect des interprètes et du public.
Et puis il y a la directrice générale de l’Etablissement public du Capitole, Claire Roserot de Melin. Elle vient d’être nommée à la présidence du syndicat Les Forces Musicales. Tiens donc… Ces personnalités, sans oublier Jean-Luc Moudenc, Maire de Toulouse et Président de Toulouse Métropole, savent combien le Capitole et son histoire font partie du patrimoine toulousain, un patrimoine que des générations de responsables se sont transmises depuis plusieurs siècles. Un patrimoine en mouvement permanent vers plus de richesse artistique. La preuve, un nouveau chef d’orchestre de 22 ans vient d’être nommé à la tête de l’Orchestre national du Capitole de Toulouse et, dans la foulée, arrive une nouvelle directrice de la danse.
Pas belle la vie à Toulouse ?
Robert Pénavayre
Une chronique de ClassicToulouse