La fin d’après-midi dominicale du 14 mai marquait donc la clôture de cette belle saison fondée par Thibaut Garcia et consacrée à son instrument favori. Le grand guitariste Rémi Jousselme en était l’invité vedette, ainsi qu’un jeune élève issu du Conservatoire à Rayonnement Régional de Toulouse, Guillem Louvet. Le public, toujours passionné et fervent a pu découvrir un programme riche et original défendu par deux artistes de grands talents.
Rappelons la belle tradition de cette série qui consiste à confier le première partie du concert à un jeune guitariste en formation. Ce jour-là, cette première partie est animé, et de quelle façon, par Guillem Louvet, jeune élève de 17 ans, passionné et talentueux. Il commence à jouer de la guitare à l’âge de 7 ans, au conservatoire de Pamiers avec Laurence Mercier. Il étudie avec Benoît Albert au CRR de Toulouse. En février 2023, comme l’indique Thibaut Garcia lors de son introduction, il vient de réussir le concours d’entrée au Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris.
Ce jeune guitariste révèle dès ses premières notes une impressionnante maturité musicale, au-delà même d’une excellence instrumentale. Son jeu, techniquement parfait, s’accompagne d’un sens des nuances, d’une profondeur expressive qui sont l’apanage des musiciens authentiques. Son programme reflète l’ouverture de son jeune répertoire. Une touchante poésie s’exprime dans la Fantaisie du luthiste de la Renaissance Albert de Rippe, dans un arrangement de son élève Guillaume Morlave. L’Introduction et Rondo brillant op. 11 du compositeur romantique Johann Kaspar Mertz met en évidence la musicalité virtuose du jeune guitariste. Avec le Scherzo op. 47 du compositeur catalan d’aujourd’hui Salvador Brotons, Guillem Louvet démontre son ouverture d’esprit dans une pièce au langage délibérément actuel. Outre la virtuosité digitale dont l’interprète est capable, la recherche de sonorités nouvelles ne lui pose aucun problème. L’ovation qui suit en dit long sur l’impact de sa prestation auprès d’un public passionné !
Rémi Jousselme, tout auréolé de nombreuses récompenses internationales dont le prestigieux Printemps de la Guitare en Belgique, présente ensuite un programme exigeant, ouvert et intelligemment composé. Comme il l’indique au cours de sa prestation, le guitariste alterne des œuvres de culture espagnole et des pièces de musique française.
L’Espagne ouvre sa présentation. Le Tiento antiguo de Joaquin Rodrigo, aux accents passionnés et aux riches coloris est directement enchaîné avec Ràfaga (autrement dit Rafale), de Joaquín Turina. Le jeu tout feu tout flamme du guitariste y fait merveille. Comme il se doit, une œuvre de musique française suit ce diptyque espagnol. Il s’agit de la transcription pour guitare signée de Tristan Manoukian de la fameuse Pavane pour une Infante défunte, de Maurice Ravel. Rémi Jousselme en expose avec sérénité la richesse de cette belle transcription, respectueuse à l’extrême de l’original conçu pour piano. Un beau moment de poésie.
De Fernando Sor, le classicisme joyeux du Gran Solo op. 14 pétille sous les doigts agiles du virtuose, aussi à l’aise dans cette pièce brillante que dans les deux portraits qui suivent. La Forqueray et La Millettina, du compositeur français du XVIIIème siècle, Jacques Duphly, initialement écrits pour le clavecin sont habilement transcrits pour la guitare par l’interprète lui-même. Le caractère un peu frivole du premier portrait est suivi de la belle profondeur expressive du second avec pour point commun l’élégance de l’exécution.
Un dernier retour vers l’Espagne, ou plutôt vers la Catalogne, s’adresse au grand compositeur Federico Mompou avec trois extraits de sa Suite Compostelana écrite en 1962 et dédiée à Andrés Segovia. A la suite du beau Preludio, Cuna, poétique berceuse, et Muñeira, tout imprégnée de l’allégresse d’une danse de Galice, complètent ce voyage coloré en terre latine.
La pièce finale nous emmène plus loin encore. Avec Toryanse Tales du Bulgare Atanas Ourkouzounov (présent à Toulouse au cours de cette saison), Rémi Jousselme nous entraîne… au Japon. Cette œuvre paradoxale s’inspire d’une comptine célèbre au Pays du soleil levant. Elle mêle d’étranges sonorités orientales à de subtiles citations venues d’Europe centrale. L’interprète se glisse avec aisance et musicalité dans cette partition hybride et séduisante.
Chaleureusement applaudi Rémi Jousselme conclut ainsi une saison de Toulouse Guitare riche de découvertes.
Serge Chauzy
une chronique de ClassicToulouse