Le 15 avril dernier, la Halle aux Grains accueillait le Chœur de Chambre Les éléments et l’ensemble instrumental Les Ombres, sous la direction de Joël Suhubiette. L’ensemble vocal célèbre en effet cette année les 25 ans de sa fondation. Le grand concert de cette soirée constituait le point d’orgue de cette célébration qui sera fêtée tout au long de la saison.
Depuis sa création en 1997, le Chœur de chambre Les éléments visite un répertoire qui s’étend de la Renaissance à l’époque actuelle. Il place en particulier la création contemporaine au centre de ses activités vocales et de sa ligne artistique.
Ce grand concert du 15 avril 2023 a permis de retrouver la belle association du Chœur de Chambre avec l’ensemble orchestral Les Ombres, créé en 2008 sous la double direction de Margaux Blanchard et Sylvain Sartre. Le programme choisi a mis l’accent sur plusieurs siècles de musique chorale anglaise, autour de quelques œuvres majeures, et notamment du somptueux Dixit Dominus du plus anglais des compositeurs allemands Georg Friedrich Haendel.
La première partie de cette soirée festive rassemble un florilège de pièces anglaises des XVIème et XVIIème siècles, mais également avec quelques incursion dans le XXème. Le concert s’ouvre sur une pièce purement instrumentale jouée par Les Ombres sous la direction de Joël Suhubiette, « The Mad Lover » de John Eccles (1668-1735). La douceur de cette composition est propice à accompagner l’entrée discrète du chœur qui se répartit dans la salle autour du public occupant le parterre. Cette disposition se prolonge au cours d’un séquence magique consacrée à quelques pièces a cappella. Les deux motets « If ye love me » de Thomas Tallis (1505-1585) et « Laudibus in sanctis”, de William Byrd (1539-1632), s’enchaînent avec « The Annunciation », pour soli et chœur à 7 voix a cappella du compositeur tout aussi britannique, mais nettement plus proche de nous, Jonathan Harvey (1939-2012). Ce passage de la Renaissance au XXème siècle s’effectue dans la continuité de l’expression et de la musicalité des voix chorales et solistes. Les instruments du continuo accompagnent de nouveau le chant de deux pièces du plus célèbre des compositeurs britanniques du XVIIème siècle, Henry Purcell (1659-1695) : « Praise the Lord, O Jerusalem » et surtout le douloureux « Remember not, Lord our offences », pour chœur à 5 voix et basse continue, qui distillent une émotion contenue. Un nouvel enchaînement graduel et d’un naturel déconcertant retrouve Jonathan Harvey avec « Remember, O Lord » puis Henry Purcell et « Hear my prayer, O Lord ».
Comme l’annonce Joël Suhubiette, deux œuvres en hommage à Sainte Cécile, la patronne de la musique sacrée et des musiciens, dialoguent par-delà les siècles. De Henry Purcell, « An Ode for Saint Cecilia’s day – Welcome to all the pleasures » retrouve l’ensemble orchestral et les solistes vocaux. Puis, de Benjamin Britten (1943-1976), « Hymn to St Cecilia » amène les chanteurs à déployer virtuosité vocale, harmonies subtiles et ardeur sacrée.
La seconde partie du concert est entièrement consacrée à l’une des œuvres majeures du jeune Georg-Friedrich Haendel (1685-1759), son Dixit Dominus. Alors âgé de 22 ans, le compositeur alterne dans cette riche partition chœurs et arias pour solistes (2 sopranos, contre-ténor, 2 ténors, basse), transformant ce psaume en une sorte de cantate sacrée en huit parties.
La contribution des solistes s’avère ici capitale. La beauté du duo des deux sopranos « De torrente in via bibet » émerge de cette succession d’épisodes grâce au dialogue raffiné de Cécile Dibon-Lafarge et Julia Wischniewski, aux timbres angéliques.
L’ensemble des chanteurs solistes réalise là une belle performance. Citons, outre les deux sopranos, le contralto Gabriel Jublin, le ténor François-Olivier Jean et la basse Matthieu Heim. Saluons la parfaite fusion équilibrée entre les voix du Chœur de Chambre Les éléments et les instruments de l’ensemble Les Ombres. La direction précise et expressive de Joël Suhubiette assure une parfaite coordination de tous les acteurs.
L’ovation du public est telle que l’Amen du Gloria final est repris avec une ferveur décuplée.
Souhaitons un très bel anniversaire à ce chœur devenu indispensable dans le paysage musical du moment !
Serge Chauzy
une chronique de ClassicToulouse
> Quart de siècle / Entretien avec Joël Suhubiette