Le 3 avril prochain, la série des concerts de musique de chambre des Clefs de Saint-Pierre, animée par les musiciens de l’Orchestre national du Capitole, s’achève en beauté. Une seule partition est inscrite au programme, mais il s’agit incontestablement d’un chef-d’œuvre conçu par le plus sensible et le plus précocement disparu des grand compositeurs romantiques.
Rappelons que lors de ces lundis traditionnels des Clefs de Saint-Pierre, artistes et public se retrouvent comme pour une réunion amicale au cours de laquelle l’échange est au cœur de l’événement. Il faut le redire ici, la qualité musicale de ces concerts conviviaux procède d’une complicité totale qui s’est établie entre les musiciens d’une part, et entre les musiciens et le public, d’autre part, devenus au cours des semaines familiers et partenaires.
L’œuvre unique au programme de ce concert, l’Octuor pour vents et cordes op. 803 en fa majeur de Franz Schubert date de 1824, quatre ans avant sa mort survenue à l’âge de 31 ans. Dans cet octuor de forme symphonique Schubert se veut clairement l’héritier de Beethoven qu’il vénérait et qui est l’auteur d’un Septuor écrit entre 1799 et 1800, considéré comme un modèle.
En effet les deux œuvres sont composées pour les mêmes instruments, ceux du quatuor à cordes associés à la clarinette, au cor, au basson et à la contrebasse. Contrairement à Beethoven, Schubert maintient la présence du second violon traditionnel du quatuor à cordes. L’architecture des deux pièces obéit à la même symétrie quasi parfaite, comporte le même nombre de mouvements, six, et structure la même alternance des tempi. Cependant, alors que l’œuvre de Beethoven développe les caractéristiques classiques de la sérénade pour donner naissance à un divertissement agréable, Schubert ouvre son octuor jusqu’à lui donner une ampleur symphonique, d’une durée de l’ordre d’une heure. Les interventions des instruments à vent, la clarinette, le cor, le basson suggèrent une volonté de développements du type orchestral.
Déjà rongé à cette époque par la syphilis, Schubert fait pourtant ici preuve d’une jovialité pleine de clins d’œil amicaux. Il évite ces épisodes tragiques ou poignants de mélancolie quasi mortifères que l’on trouve habituellement chez lui et notamment dans certains de ses lieder. Cette œuvre magnifique, pourtant méconnue, mérite que l’on apprécie la parfaite maîtrise avec laquelle l’auteur combine habilement les timbres des cordes et ceux des vents, tout en suscitant les plus profondes émotions musicales.
Les six mouvements de cet Octuor seront interprétés ce 3 avril prochain par Jean-Baptiste Jourdin et Marianne Puzin, violons, Claire Pelissier, alto, Elise Robineau, violoncelle, Damien-Loup Vergne, contrebasse, Floriane Tardy, clarinette, Marion Lefort, basson et Benoit Hui, cor.
Serge Chauzy
une chronique de ClassicToulouse