Une fois encore la Maîtrise de Toulouse a démontré l’étendue du répertoire qu’elle est capable d’aborder avec la même impressionnante perfection. Sous la direction de son fondateur Mark Opstad, ce bel ensemble vocal animait, ce dimanche matin 26 mars à la Halle aux Grains, un concert exceptionnel en compagnie de l’Orchestre national du Capitole dirigé par Raphaël Oleg. Un programme d’une prodigieuse ouverture dans sa diversité s’offrait ainsi à une assistance nombreuse et éblouie.
Pour cette rencontre fructueuse, les deux institutions musicales choisissent d’explorer les modes d’expression les plus divers, du folklore imaginé d’Europe centrale aux formes élaborées des musiques françaises des XXème et XXIème siècles. La première partie, consacrée à une succession ininterrompue de pièces a capella, est suivie d’une rencontre harmonieuse et fructueuse avec l’Orchestre national du Capitole.
La première partie a capella s’ouvre sur deux pièces des grands compositeurs hongrois que sont György Ligeti et Zoltán Kodály. Du premier, dont on célèbre cette année le centenaire de la naissance, le chœur intitulé : Éjszaka – Reggel (Nuit – Matin) oppose deux atmosphères contrastées et tout aussi séduisantes. Le calme mystérieux et nocturne de la première partie s’oppose à l’effervescence rythmée de l’évocation du matin, joyeusement percée du chant du coq que les jeunes chanteurs s’approprient avec verve. Les deux pièces de Zoltán Kodály qui s’enchaînent résultent du travail d’ethnomusicologue du compositeur, habile transcripteur de chants folkloriques. Túrót ëszik a cigány évoque l’agitation d’une dispute de gitan autour d’un morceau de fromage, alors que Esti Dal se souvient de la prière d’un soldat à la veille d’une bataille.
L’œuvre suivante est le résultat d’une commande de la Maîtrise auprès de la compositrice française Emmanuelle Da Costa. Sur un texte de Sébastien Vidal, ce poème vocal, intitulé Cuzco, entraîne l’imagination dans cette cité inca du Pérou, propice au rêve mais aussi à l’humour. L’évocation poétique du maïs se conclut sur le goût des Incas pour le pop-corn !
Quatre pièces de grands compositeurs français complètent cette première partie. Le chœur au complet déroule le fervent et dynamique Dixit Dominus de Thierry Escaich. De Claude Debussy la première des Trois Chansons de Charles d’Orléans, intitulée Dieu ! Qu’il la fait bon regarder ! retrouve dans ces voix cristallines les accents poétiques comme issus de la Renaissance. C’est auprès de Guillaume Apollinaire que Francis Poulenc trouve l’inspiration de la première des Sept Chansons, imprégnée d’une tendre nostalgie. La blanche neige est ainsi égrenée dans la douceur. C’est sur la vivacité de Maurice Ravel, auteur des paroles et de la musique de Rondes, extrait des Trois chants que s’achève la première partie a capella de ce concert dominical.
Bientôt rejoints par l’Orchestre national du Capitole, les chanteurs de la Maîtrise se lancent avec détermination dans l’interprétation de deux grandes pièces de musique française. Dirigées avec précision et ardeur par le grand violoniste Raphaël Oleg, les cordes de la formation symphonique s’associent avec les voix d’enfants dans les très inspirées Litanies à la Vierge Noire de Francis Poulenc. C’est en visite à Rocamadour que le compositeur lance cette « … Prière d’un égaré voulant retrouver la foi de son enfance… » ainsi que l’écrit Hervé Lacombe. On admire là cette fusion entre les voix et les cordes parfaitement réalisée par l’ensemble des interprètes.
Les instruments à vent et les percussions rejoignent les cordes de l’orchestre pour l’exécution de la dernière œuvre inscrite à ce programme d’une réjouissante diversité. Il s’agit cette fois d’un recueil de cinq chants amérindiens créé en 2018 et écrit par le compositeur et organiste Thierry Escaich sous le titre La piste des chants. Cette pièce originale et contrastée s’appuie sur une succession de cinq textes poétiques de tribus indiennes d’Amérique du Nord. L’écriture musicale, riche et colorée, se caractérise également par une complexité rythmique impressionnante. Admirablement assimilée par les jeunes chanteuses et chanteurs, cette complexité s’accompagne d’une parfaite prononciation des textes écrits en espagnol. Là encore, l’orchestre et les voix trouvent un parfait équilibre sonore et dialectique. Thierry Escaich, présent ce soir-là, ne manque pas de venir féliciter chaleureusement les interprètes de sa belle et originale partition.
Une grande ovation salue cette prodigieuse prestation qui renforce encore la haute réputation pleinement justifiée de cette Maîtrise.
Serge Chauzy
une chronique de ClassicToulouse
Orchestre national du Capitole