Nostalgia, un film de Mario Martone
Le thème de l’amitié trahie fait florès au cinéma en ce début d’année 2023. Après Les Banshees d’Inisherin du britannique Martin McDonagh (toujours à l’écran), voici Nostalgia du romain Mario Martone, une autre histoire d’amitié au cœur du quartier le plus dangereux de Naples où règne la camorra. Un film splendide aux accents de tragédie grecque.
Adapté d’un roman de l’écrivain Ermanno Rea publié en 2016, le dernier opus de Mario Martone nous met dans les pas de Felice, quinquagénaire revenant dans sa ville natale, Naples, après un périple à l’étranger d’une quarantaine d’années. C’est adolescent que son père l’a littéralement exfiltré du quartier de la Sanità, l’un des lieux où s’affrontent les clans de la mafia locale. Ce départ précipité est dû à un vol qui a mal tourné. Mais le coup mortel, ce n’est pas Felice qui l’a porté, c’est son ami de toujours, Oreste. Felice n’en a jamais rien dit. S’il revient aujourd’hui c’est pour retrouver Oreste et renouer avec lui un lien qu’il pensait indestructible. Sauf qu’Oreste est devenu le boss de la camorra. Pour arriver jusqu’à lui, Felice est obligé de se réapproprier cette ville, son dialecte. Il est aidé en cela par Don Luigi, le curé de la paroisse de la Sanità, en lutte permanente cotre la mafia. Son glaive, c’est détourner les jeunes des sirènes de la Pieuvre. Don Luigi existe vraiment, il s’appelle Don Antonio Loffredo. Son courage et ses actions sont unanimement salués dans toute la Péninsule. Felice, conscient d’avoir participé à un meurtre, est aussi en quête de rédemption. Il se rapproche de Don Luigi et l’aide dans ses activités salvatrices. Mais son but ultime est de rencontrer Oreste. Il y arrivera…
Dire que Naples, et plus particulièrement le Rione Sanità, est le personnage central du film tient de l’euphémisme tant les lumières, les cadrages et les travellings en font une sorte de labyrinthe angoissant dans lequel Oreste, lamentable minotaure, en marcel crasseux, loin des parrains hollywoodiens, maraude en quête d’une proie. Le mal à l’état pur.
Si la caméra est virtuose, la direction d’acteur ne l’est pas moins. Pierfrancesco Favino est un Felice bouleversant de présence, autant lorsqu’il baigne sa vieille mère que lorsqu’il tente de se confesser, lui qui a embrassé l’Islam durant son long séjour au Caire. Il croira jusqu’au bout au chemin de rédemption… A ses côtés, Francesco Di Leva incarne Don Luigi, le téméraire curé, avec une ardeur dans ses actions qui n’a d’égale que son courage. Et puis, il fallait bien un Oreste. C’est Tommaso Ragno. L’entrevue entre les deux ex-amis est l’acmé du film. D’une violence verbale hallucinante dans le fond si ce n’est dans la forme, cette scène scelle la tragédie à venir de manière grandiose. Le final tombera comme un couperet.
Magnifique !