Longtemps considéré comme un instrument désuet, le clavecin fait son grand retour sur la scène musicale grâce une jeune génération de clavecinistes français dynamiques et décomplexés. Dans les années 60, Robert Veyron-Lacroix lui avait redonné quelques lettres de noblesse. Mais il fallut attendre Gustav Leonhardt et bien sûr le très médiatique Scott Ross avec ses enregistrements de Domenico Scarlatti, pour mettre l’instrument oublié à l’honneur. Une jeune génération d’interprètes emmenée par Olivier Baumont nous émerveille comme en témoigne trois enregistrements éblouissants.
Chez Erato, le remarquable Jean Rondeau signe un album consacré aux célébrissimes Variations Goldberg. Les phrases lentes sont ciselées, découpées, travaillées à l’infini. Le son est lumineux, limpide. La virtuosité témoigne d’une brillante intelligence du jeu. Ici, aucun discours creux ou ronflant, mais une épure de la musique, rien que la musique. Le livret est incroyable avec sa citation du poète Christian Bobin et ses pages de silence ! Jean Rondeau nous invite à « explorer les silences, une écoute qu’il souhaite tendre et limpide, juste ». Un enregistrement magistral !
Chez Encelade, Pierre Gallon consacre un album aux Suites Françaises de Bach. Il sait créer un univers doté d’une riche palette de couleurs. Le toucher est profond, sensible avec même une certaine autorité. Son interprétation sait aussi être jubilatoire comme dans ces Gigues endiablées, festives. La virtuosité est au rendez-vous, ce Bach est peut-être moins connu, mais il n’en est pas moins éblouissant d’inventivité, de génie. Soulignons encore ici : un très bon texte de présentation, un instrument magnifique et une excellente prise de son.
Terminons ce panorama avec un enregistrement très original d’Olivier Baumont toujours chez Encelade, puisqu’il s’agit d’un récital de clavecin pour Marcel Proust. Inattendu, ce programme hommage à l’écrivain monumental de La Recherche est un ensemble de joyaux et de grandes raretés comme l’Andante de Leontzi Honauer ou encore cette Toccata d’Eugène Anthiome qui composa de superbes pièces pour clavecin à l’époque de Proust, sans oublier le délicieux Reynaldo Hahn. Il faut aussi écouter le menuet de Thérèse, cet opéra de Massenet sur la Révolution Française et dont l’immense Emma Calvé interpréta des extraits devant le reine Victoria ! Pour cela, Olivier Baumont joue un clavecin Pleyel de 1929. L’ensemble est brillant et là aussi, la présentation du CD est soignée, disons même d’une certaine élégance proustienne…
Autant d’enregistrements à découvrir et à écouter sans modération.