Chaque semaine, on vous invite à lire une nouveauté, un classique ou un livre injustement méconnu.
Premier roman traduit en France d’Antonio Pennacchi (1950-2021), Mon frère est fils unique, publié en 2007 alors que son adaptation cinématographique par Daniele Luchetti était sortie sur les écrans, permit de découvrir cet écrivain italien majeur, couronnée en 2010 par le prestigieux prix Strega pour son remarquable Canal Mussolini. Dans Mon frère est fils unique, on suit les pérégrinations d’un jeune garçon d’extrême droite. Passé du séminaire aux rangs du MSI, le parti des nostalgiques de Mussolini, Accio Benassi se cherche une famille car, dans la sienne, il est un peu le vilain petit canard. Chez les bruns, ce sale gosse insolent et provocateur fait ses gammes et le coup de poing contre les rouges. Pourtant, Accio sait que de l’autre côté aussi on partage un certain romantisme révolutionnaire : « Les communistes rêvaient d’un monde que nous exécrions tant il était égalitaire, massifié, collectivisé. Mais ce monde leur paraissait parfait, idéal. Les jeunes qui fréquentaient la Démocratie chrétienne, ça se lisait sur leur visage qu’ils ne pensaient qu’aux affaires et à l’argent qu’ils gagneraient une fois devenus grands. Ils y allaient pour occuper les places, tandis que, les communistes et nous, nous voulions faire la révolution. »
Plus tard, communistes et fascistes fraterniseront à Rome contre la police, mais entre-temps Accio sera passé chez les rouges, pour les beaux yeux d’une Francesca, tandis que ses anciens amis seront devenus « les gardes blancs du Capital ». A l’extrême gauche, il retrouve son frère aîné Manrico. Cependant, les souvenirs et l’envie de renouer avec ses vieux compagnons effleurent cet Holden Caulfied du Latium : « Cette tentation n’était pas de nature rationnelle. Quand il s’agissait de raisonner, il n’y avait désormais plus de doutes, j’étais anarcho-marxiste et antifasciste. Mais sur le plan des sentiments, j’étais encore un peu fragile : c’étaient des gens que j’aimais encore. Comme j’aimais le symbole de la flamme. Ce n’était que de la nostalgie. »
Du rire aux larmes
Si Mon frère est fils unique reconstitue avec précision la dimension socio-politique de l’Italie des années soixante et de ses mouvements extrémistes, ce roman aux accents que l’on devine autobiographiques vaut d’abord pour son souffle, son humour et son rythme qui semblent empruntés aux classiques de la comédie italienne. Parents, frères, sœurs, copains : on vit en klaxonnant, on se tape dessus et on se réconcilie comme dans le Amarcord de Fellini. Puisque nous sommes dans une comédie italienne, nulle surprise à ce que le rire se teinte d’amertume et de mélancolie. La dernière partie de Mon frère est fils unique donne au roman toute sa dimension.
Un nouveau fascisme, « le fascisme de la Démocratie chrétienne, qui volait tout ce qu’il y avait à voler », montre son vrai visage en alimentant ce que l’on appelait la stratégie de la tension. Les premières bombes, explosent, le sang coule, la guerre civile pointe à l’horizon. Voici le temps des assassins et des clandestins. Les jeux d’enfants virent à la tragédie. Il est temps de prendre la fuite même si le royaume de l’enfance est déjà loin. Une bénédiction par un vieux père sur le quai d’une gare soldera les péchés et les illusions d’une jeunesse incandescente.
Mon frère est fils unique • Le Dilettante