Ce sera pour le samedi 10 décembre à 20h et le dimanche 11 à 16h à l’Opéra national du Capitole. Il nous revient pour interpréter de Jean-Sébastien Bach, les Cantates I, II et III de l’Oratorio de Noël. C’est avec son ensemble Le Concert des Nations et le Chœur de l’Opéra national du Capitole.
L’homme vous dira qu’on ne peut faire de musique sans croire profondément à la mission de paix qu’elle porte en elle. Cette passion porte un nom : l’humanisme.
Non content de nous avoir fait redécouvrir la viole de gambe, oubliée depuis si longtemps, ce chef d’orchestre, producteur de disques, pédagogue et chercheur, cet obstiné aux mille idées n’a pas son pareil pour faire parler au présent des répertoires et des genres musicaux venus du fond des âges.
Jordi Savall, fut nommé en 2008, Ambassadeur de l’Union Européenne pour un dialogue interculturel et, alors aux côtés de Montserrat Figueras, « Artiste pour la Paix » dans le cadre du programme « Ambassadeurs de bonne volonté » de l’Unesco. Maintenant octogénaire, toujours infatigable chasseur de trésors, champion des musiques rares et oubliées, le chef et violiste de gambe poursuit sa quête de beauté et de vérité, véritable messager de toutes ces musiques anciennes qu’il chérit et rend tellement plus présentes. Sa très impressionnante carrière musicale, qui ne peut se résumer en deux lignes, a été couronnée de récompenses et de distinctions tant nationales qu’internationales.
Le Concert des Nations est un orchestre créé par Jordi Savall et Montserrat Figueras en 1989 durant la préparation du projet Canticum Beatae Virginis de Marc Antoine Charpentier, afin de disposer d’une formation interprétant sur instruments d’époque un répertoire qui irait de l’époque baroque jusqu’au Romantisme (1600-1850). Le nom de l’orchestre provient de l’œuvre de François Couperin Les Nations, un concept représentant la réunion des « goûts musicaux » et la prémonition que l’Art en Europe imprimerait à jamais une marque propre, celle du siècle des Lumières.
Dirigé par Jordi Savall, Le Concert des Nations est le premier orchestre réunissant une majorité de musiciens provenant de pays latins (Espagne, Amérique Latine, France, Italie, Portugal, etc.), tous étant de remarquables spécialistes de niveau international dans l’interprétation de la musique ancienne sur des instruments originaux correspondant à l’époque et aux critères historiques. Dès ses débuts, l’orchestre a montré une volonté de faire connaître des répertoires historiques de grande qualité à travers des interprétations qui en respectent rigoureusement l’esprit original, tout en œuvrant pour leur revitalisation. Pour exemple, citons parmi les nombreux enregistrements, ceux de Charpentier, J.S. Bach, Haydn, Mozart, Haendel, Marais, Arriaga, Beethoven, Purcell, Lully, Biber, Boccherini, Rameau ou Vivaldi ….
Le Concert des Nations abordera aussi le genre de l’opéra et les titres sont nombreux. Le confinement nous aura privé ici même de Il Teuzzone, de Vivaldi, qui devait être interprété en version semi-concertante.
Le Weihnachtsoratorium ou Oratorio de Noël, BWV 248 est un oratorio en six parties ou cantates pour quatre solistes, soprano, alto, ténor (ce sera l’Évangéliste) et basse, le chœur et un ensemble instrumental. Il fut écrit pour être donné lors des six jours de fête en période de Noël soit, le jour de Noël, les deux jours suivants, le jour du Nouvel An, le dimanche dans l’octave et à l’Épiphanie de 1734-35, à Leipzig et ce, dans deux églises, Saint-Thomas et Saint-Nicolas. Les parties sont données séparément et les solistes comme le chœur interviennent dans chacune.
Sachez que l’effectif orchestral comporte : deux flûtes traversières, deux hautbois, deux hautbois d’amour (oboe d’amore), un cor anglais (oboe da caccia), un basson, trois trompettes, timbales, quatre violons I, quatre violons II, altos et violoncelles par deux, une contrebasse, orgue et clavecin. Ayons à l’esprit qu’alors, si on voulait de la musique, il fallait…la faire ! Jusqu’au XVIIIè, l’Empire allemand ne manque pas de musiciens. Au contraire, il est couvert de “maîtres-chanteurs“ et de “troubadours“, de cours princières et autres, avec leurs orchestres, ou de petites formations mélangeant allègrement maître et gens de maison. Que manque-t-il alors à ce pays pour se réveiller ? C’est un libérateur, un Messie, un nouveau Moïse qui le guiderait : un musicien qui créerait enfin l’art allemand. Ce sera Jean-Sébastien Bach.
Tout comme dans les deux autres oratorios, de Pâques, et de l’Ascension, J.S. Bach a largement recours dans sa méthode de composition à la technique de la parodie de cantates profanes, comme par exemple les BWV 213 et 214, celles respectivement écrites pour les anniversaires du Prince-Électeur Friedrich-Christian de Saxe et de la Princesse Maria Josepha. Sachons qu’alors, l’emploi de la parodie est un fait coutumier de la plupart des musiciens de cette première partie du XVIIIè et ce, dans toute l’Europe.
En incorporant des éléments extraits d’œuvres profanes au sein d’un vaste ensemble liturgique, Bach redonne vie à des compositions initialement prévues pour une seule et unique occasion ! Encore une fois, oublions qu’il n’y a pas de quoi enregistrer ! Ainsi, la parodie consiste-t-elle uniquement à passer de la commémoration d’un puissant d’ici-bas à la naissance d’un Tout-Puissant. Avec la Messe en si mineur, la partition de l’Oratorio en compte le plus. Notons que Bach intervient bien sûr sur l’orchestration et le phrasé. On n’est pas dans le copié-collé. Glissement qu’opéra avec habileté un certain Christian Henrici dit Picander, à moins que ce ne fut tout simplement, Bach lui-même ! ces textes s’ajouteront aux Écritures des évangiles de Luc et Matthieu et aux seize chorals au total.
Sans rentrer de trop dans des détails qui demanderaient une encyclopédie !! remarquons que Bach n’aurait composé, paraît-il, que deux morceaux originaux d’importance dans les quatre premières parties, à savoir, la Sinfonia qui ouvre la deuxième et un Air dans la troisième… ! Mais, on n’est pas sûr qu’ils n’existaient pas auparavant dans une œuvre tout simplement perdue. Cette sinfonia qui ouvre la cantate écrite pour le deuxième jour de Noël est une des plus belles pièces de l’Oratorio : une symphonie pastorale, une peinture musicale des anges qui apparurent aux bergers louant Dieu.
Hormis dans la tendre Deuxième Cantate, le ton est plutôt joyeux et festif. C’est bien normal, les fêtes entourant la Nativité de l’enfant Jésus étant parmi les plus heureuses en signification et en espérance de tout le rituel chrétien. Bach y trouve une force nourricière exceptionnelle et quelle que soit la réutilisation de partitions anciennes, il crée là, une musique d’une vitalité rayonnante tout à fait adaptée à la symbolique de Noël. Et bien que morcelée, il s’agit bien d’une seule et même histoire, celle de la naissance de l’enfant Jésus qui débute par le recensement de Bethléem et se termine par l’Adoration des trois Mages. Mais elle n’a pas été conçue pour être exécutée d’un seul tenant.