Chaque semaine, on vous invite à lire une nouveauté, un classique ou un livre injustement méconnu.
De Patrick Besson, lauréat du Grand Prix du roman de l’Académie française pour Dara en 1986 et du prix Renaudot pour Les Braban en 1995, auteur d’une centaine de titres (romans, nouvelles, récits, recueils d’articles ou de chroniques, pamphlets…), on croit avoir tout lu. Le revoici pourtant, plein d’énergie et d’inspiration, avec deux nouveaux livres : le récit Djokovic, le refus (Louison éditions) et le roman Scènes de ma vie privée.
Dans ce dernier, on découvre Lucien, un écrivain de soixante-huit ans qui vient d’être quitté par son épouse de trente-cinq ans sa cadette et elle-même romancière. Auprès de ses amis éditeurs et de leurs femmes, Lucien promène son spleen, son ironie, sa fatigue. Patrick Besson croque son double romanesque et ses personnages avec tendresse, cruauté, drôlerie. Les aphorismes et les formules fusent. Les dialogues font des étincelles.
Cimetière des sentiments
Derrière la virtuosité et le rythme du récit percent néanmoins une sourde mélancolie, une solitude, une ambiance de roman noir qui vire au gris. Pas de crime dans Scènes de ma vie privée, mais un coupable : le temps. « Tout est passé si vite » (titre d’un roman de Jean-Noël Pancrazi) pourrait être désormais la devise de Lucien, ancien combattant de guerres perdues contemplant son « cimetière des sentiments ».
Ce roman consigne des adieux : aux femmes que l’on a quittées ou qui sont parties, aux enfants que l’on n’a pas vu grandir et à ceux que l’on ne verra pas grandir, aux amis morts trop tôt. Aucun pathos cependant sous la plume de Patrick Besson qui défie une nouvelle fois le « cauchemar de la réalité » par la fiction.
Scènes de ma vie privée • Grasset