Nul doute que le concert du 17 novembre prochain, à la Halle aux Grains, attirera un public nombreux et heureux de retrouver Tugan Sokhiev, le chef qui a présidé aux destinées musicales de l’Orchestre national du Capitole pendant près de dix-sept ans. Son retour après une démission qui a fait couler beaucoup d’encre résonne comme des retrouvailles espérées et attendues par le public et les musiciens depuis le 6 mars 2022, jour de cette décision douloureuse.
Ce concert du 17 novembre n’est en outre que le premier d’une série de trois venue de Tugan Sokhiev comme chef d’orchestre invité de la présente saison. Rappelons qu’il avait d’abord été nommé en avril 2005 par la ville de Toulouse premier chef invité et conseiller musical, nomination qu’il a honorée par une douzaine de concerts avec l’Orchestre (bientôt national) du Capitole au cours de la saison 2005-2006. Fin juin 2008, Tugan Sokhiev a finalement été nommé au poste de directeur musical de l’Orchestre national du Capitole de Toulouse. L’Orchestre a ainsi bénéficié pendant toute cette période d’un élan considérable sur le plan national et surtout international. Des liens très forts se sont tissés entre les musiciens de l’Orchestre et leur directeur artistique. Sa démission le 6 mars dernier a provoqué un séisme dans la vie culturelle de la cité. Invité par le maire de Toulouse Jean-Luc Moudenc à s’exprimer sur le conflit russo-ukrainien en cours, Tugan Sokhiev avait considéré qu’il s’agissait pour lui de faire un choix impossible entre ses deux responsabilités musicales, celle de Directeur musical de l’Orchestre toulousain et celle de la fonction équivalente qu’il occupait à la tête du Théâtre Bolchoï de Moscou. Le chef natif d’Ossétie du Nord a donc décidé de démissionner de ces deux fonctions en affirmant : « Je n’ai jamais soutenu et je serai toujours contre tout conflit sous quelque forme que ce soit. Pour certaines personnes, même remettre en question mon désir de paix et penser que moi, en tant que musicien, je pourrais parler pour autre chose que la paix sur notre planète, c’est choquant et offensant. »
Son retour à Toulouse constitue un événement particulièrement réconfortant et important pour la riche activité musicale de la Ville rose ainsi que pour le développement futur de l’Orchestre national du Capitole qui doit maintenant trouver un successeur à Tugan Sokhiev.
Pour ces retrouvailles, le chef et l’orchestre ont choisi de jouer une seule grande partition, la Symphonie n° 8 en ut mineur d’Anton Bruckner. Commencée en 1884, la composition de cette œuvre monumentale connut de multiples rebondissements. La première version de 1887 fut rejetée par celui qui devait la diriger, le chef Hermann Levi. Bruckner procède alors à de multiples modifications. La version suivante de 1890 subit d’« inévitables » coupures, quelques harmonies trop hardies sont « adoucies » et la tonalité de l′Adagio devient mi bémol majeur au lieu de do majeur dans la version initiale. La symphonie connut un grand succès lors de sa création à Vienne le 18 décembre 1892 par l’Orchestre Philharmonique sous la direction de Hans Richter, des critiques la qualifiant même de « Symphonie des symphonies » ou « Sommet de la symphonie romantique ». Notons que, suivant en cela l’exemple de la Neuvième Symphonie de Beethoven, le compositeur a inversé l’ordre traditionnel des mouvements en permutant le Scherzo et l’Adagio. Ses quatre mouvements en font la symphonie la plus longue de Bruckner, la plus élaborée de ses « cathédrales mystiques ». Ce défi, les musiciens de l’Orchestre national du Capitole l’ont déjà relevé. Notamment en avril 2007, sous la direction de Yannick Nézet-Seguin, et en juin 2011, sous celle de Joseph Swensen. Le 17 novembre prochain, c’est la version de 1890 qui sera exécutée. La vision de Tugan Sokhiev est ardemment attendue.
Serge Chauzy
une chronique de ClassicToulouse
Orchestre national du Capitole