« Supernova » est le festival dédié à la jeune création du Théâtre Sorano. Il revient pour une 7ème édition du 15 au 26 novembre. À cette occasion, Culture 31 est allé à la rencontre de Sébastien Bournac, directeur du théâtre. Le metteur en scène a donné une nouvelle identité au Sorano et offre aux jeunes compagnies un espace de visibilité à part.
Culture 31 : Depuis votre arrivée à la direction du Théâtre Sorano en 2016, vous avez eu à cœur de nourrir une nouvelle identité davantage axée sur la jeunesse et la création. Supernova cristallise finalement cette ambition.
Sébastien Bournac : Absolument. Supernova, c’est un peu l’épicentre de la saison du Sorano. C’est un moment qui, pendant deux semaines, va permettre de découvrir des équipes émergentes de la région et d’ailleurs. Avec cette douzaine de spectacles que l’on propose se présente l’occasion de découvrir le monde à travers les yeux neufs de jeunes créateurs et créatrices talentueux, et de se laisser bousculer. Prendre ce risque. J’ai l’impression que les spectateurs et spectatrices autorisent beaucoup plus de choses dans ce contexte. C’est un temps de découverte, de foisonnement, de plaisir, de rencontre, de discussion, de débat… Ça nous tient à cœur. Puis c’est une septième édition pour Supernova, ce n’est pas rien.
Nous sommes passés d’un festival avec 5 spectacles, à un festival qui en a 12 avec différentes propositions autour : des maquettes, des chantiers de création, des avant-premières… C’est toujours – à la fois pour les artistes, l’équipe du Sorano, et le public du théâtre – un moment particulier de la saison. Aujourd’hui le Sorano est devenu « scène conventionnée d’intérêt national art et création pour la jeune création ». Il est vrai que Supernova est une fenêtre sur ce théâtre qui s’invente.
Était-ce important de mettre en lumière la jeune création pour, justement, donner à voir ce regard neuf ?
La ville de Toulouse m’avait demandé de redonner une identité forte au Théâtre Sorano à mon arrivée. De faire, à partir de mon observation de metteur en scène, en fonction de ce qui manquait au paysage théâtral toulousain. Et effectivement, il m’a semblé qu’il manquait un espace de visibilité et d’accompagnement pour les jeunes équipes. J’ai moi-même été une jeune compagnie donc je sais de quoi j’ai souffert. Le théâtre est un art du présent alors nous travaillons avec des gens d’aujourd’hui et des spectateurs qui viennent chaque soir. On construit aussi les artistes qui, demain, feront le rayonnement de Toulouse.
Comme vous venez de le rappeler, vous êtes vous-mêmes metteur en scène. Et le festival se veut mettre en avant les démarches scéniques innovantes. Quels éléments ont le plus évolué en terme de mise en scène avec la jeune génération ? Y a-t-il des points marquants?
Effectivement, les formes bougent. D’ailleurs, le festival est uniquement possible car il est fait en collaboration avec de multiples théâtres. Il s’est créé avec eux. Le Sorano a une architecture particulière et ne peut pas accueillir toutes les représentations. Il y en a qui ne sont pas frontales, les rapports au public changent. Par exemple, certains spectacles sont présentés au Garonne car il faut un gradin et que nous sommes sur une scène haute. Les jeunes créateurs et créatrices d’aujourd’hui n’hésitent pas à bousculer ce rapport scène/salle. Peut-être dans le but de nous intégrer un peu plus dans les formes qu’ils proposent.
Malgré tout, la grosse singularité du festival apparaît davantage dans les questionnements. Ces jeunes prennent à bras le corps le monde dans lequel on vit. C’est là que les choses sont les plus surprenantes car on voit apparaître sur la scène des sujets qui sont assez nouveaux. Je pense par exemple aux questions d’identité, de genre, de sexualité. La question de l’engagement politique est très présente aussi dans cette édition. Tout comme la question du collectif, de ce qui fait société. C’est important d’être à l’écoute de ces questionnements. Le théâtre interroge le monde de demain à travers des formes effectivement changeantes. Pour raconter aujourd’hui, les formes du passé ne sont pas suffisantes. Il faut donc les faire évoluer.
Pouvez-vous nous parler de la programmation de cette 7ème édition ? Comment l’avez-vous établie ?
La programmation se fait tout au long de la saison. C’est d’abord des rencontres. Elle se fait parfois très longtemps en amont. Notamment en ce qui concerne l’accompagnement des compagnies de la région. Il nous arrive donc parfois de la connaître deux ans à l’avance. Là par exemple je travaille déjà sur l’édition 2023 de Supernova et possiblement sur celle de 2024. Si une compagnie a un projet que l’on souhaite présenter à Supernova, il faut que l’on puisse l’aider suffisamment d’abord. Puis, au début, nous étions un festival de diffusion, avec 5 spectacles que j’avais pu voir. Alors que maintenant nous sommes essentiellement un festival de création.
Sur 12 propositions, il y a quand même 8 spectacles que je n’ai pas vu. C’est aussi cette prise de risque à laquelle on invite les spectateurs. Je pense à « Pater », le spectacle de la Compagnie 2.1 de Guillaume Buffard, présenté en maquette la saison dernière et qui transforme l’essai cette année. Je pense aussi au « Jour de l’ours », d’une compagnie des Pyrénées Orientales, qui après deux ans de travail vient nous présenter cette création.
Il y aussi des avant-premières comme celle du Groupe O avec « Katherine Poneuve », qui est d’ailleurs en résidence pendant deux semaines avant Supernova. Un très joli solo sur une jeune femme qui quitte le monde pour disparaître dans la forêt. Ou encore l’avant-première du travail de Flor Paichard, « Lapse-Relapse », qui, en s’appuyant sur la parole mystique d’une religieuse du Moyen-Âge, va interroger nos identités contemporaines. Et notamment amener la question de la dissidence et la question queer. Je vous parle des compagnies que l’on accompagne en région mais je pourrais parler des 12 spectacles ! Aujourd’hui toute cette jeunesse est à la recherche d’une alternative, parce que le monde dans lequel on vit ne nous convient pas. Le théâtre est aussi là pour être ce lieu d’utopie, pour imaginer le théâtre de demain à travers la société de demain.
Qu’en est-il de l’affiche du festival, a-t-elle été faite par un jeune créateur ou une jeune créatrice ?
Non, elle a été faite par le graphiste Benoît Bonnemaison-Fitte. Mais nous avons mené un projet graphique avec le DNMADe Innovation Sociale du Lycée Rive Gauche. Les enseignants ont proposé aux élèves de travailler sur les visuels des spectacles pour voir quelles affiches fabriqueraient les jeunes pour Supernova. Nous en avons fait un petit livret. Nous avons donc Supernova en bande-dessinée faite par des jeunes qui essaient de raconter, à travers des images, ce festival. En réfléchissant aux formes du théâtre de demain, il faut aussi réfléchir à qui viendra au théâtre demain. Le premier objectif est alors d’amener des jeunes dans la salle. Donc si l’on confiait la promotion et l’identité graphique de communication du festival à des jeunes, voilà ce que ça pourrait donner. Supernova, c’est le renouvellement de la scène, mais c’est aussi bien sûr le renouvellement des spectateurs.
Quel spectacle de l’édition précédente de Supernova vous a le plus marqué dans sa problématique, le thème et le message de fond abordés ?
Il y en a beaucoup. C’était une édition très réussie. Nous sortions de la crise sanitaire et donc de l’annulation de la saison d’avant. Beaucoup de spectacles étaient très attendus. Si je ne devais n’en citer qu’un, ce serait peut-être celui de cette jeune compagnie belge, « Home ». L’équipe était partie en immersion dans des EHPAD de la banlieue de Bruxelles. Les comédiens transcrivaient dans leurs corps les mimiques de ces corps âgés, pour amener cette réflexion sur le temps qui passe. J’ai été très frappé par la façon dont, tout à coup, ces trois jeunes au plateau transcrivaient la vie de corps beaucoup plus vieux. C’est aussi une réflexion sur les maisons de retraite. Nous étions à la fois dans quelque chose de complètement grotesque, drôle, et en même temps profondément tragique. La vieillesse racontée par des jeunes, c’était extrêmement fort et impactant.
Mais il y en avait tant d’autres, je pourrais tous les citer. Je suis curieux de tous les spectacles de Supernova. Nous ne sommes pas là pour dire « c’était génial » ou « c’était pas bien ». C’est plutôt « de quoi veulent-ils nous parler ? Comment le font-ils ? ». Chaque spectacle du festival pose une question différente et nous interroge à un endroit, que ce soit réussi ou moins réussi. C’est le désir de théâtre qui est nourri par le festival.
Et vous avez acquis de plus en plus de partenaires, dont nous avons parlé succinctement un peu plus tôt.
Peut-être que la jeunesse est une cause nationale ! En tous cas à Toulouse, c’est important, cette place laissée à la jeunesse dans les arts. Ils seront demain les spectateurs, les artistes…
Une phrase pour convaincre les jeunes de prendre part au festival Supernova ?
Venez, ça parle de vous, ça parle de nous, et de ce que nous sommes.
Propos recueillis par Inès Desnot
En partenariat avec le Théâtre Jules Julien, le Centre Culturel Théâtre des Mazades, le Théâtre du Grand Rond, l’Espace Roguet, le RING-Scène périphérique, le théâtre Garonne, le Théâtre du Pont Neuf, le Vent des Signes, le Centre Culturel Bonnefoy et Marionnettissimo.