Chaque mercredi, on rend hommage à un grand classique du cinéma. A voir ou à revoir.
Folies de femmes d’Erich von Stroheim
D’Erich von Stroheim, certains se souviennent d’abord de l’acteur, en particulier de ses rôles d’officier allemand dans La Grande illusion de Jean Renoir et de cinéaste déchu devenu majordome d’une star hollywoodienne (jouée par Gloria Swanson qu’il avait dirigée dans Queen Kelly en 1928) dans Boulevard du crépuscule de Billy Wilder. Avant cela, il fut l’un des plus grands réalisateurs du cinéma muet. Arrivé aux Etats-Unis en 1909 depuis son Autriche-Hongrie natale, le jeune homme s’installe à Hollywood en 1914 où il débute une carrière d’acteur puis d’assistant-réalisateur notamment auprès de D.W. Griffith pour Intolérance. Son troisième long-métrage en tant que metteur en scène, Folies de femmes en 1921, offre un condensé de son univers.
A Monte-Carlo, dans l’immédiate après-guerre, un trio d’escrocs se fait passer pour des aristocrates russes en exil. Le comte Karamzim (interprété par Von Stroheim) et deux princesses qui disent être ses cousines font du trafic de faux billets tout en écumant la haute société. Le faux comte jette son dévolu sur la femme de l’ambassadeur américain et la séduit pour lui soutirer de l’argent. Mais cet homme cynique, manipulateur, menteur, cupide, veule est aussi capable de spolier sa servante, amoureuse de celui qui lui a promis le mariage et dont elle attend un enfant.
Censure
Dans une principauté magistralement reconstituée en studios, Folies de femmes décrit une société corrompue par l’argent et taraudée par le sexe. Au faste et au luxe qui se déploient dans les casinos ou les grands hôtels répondent la misère de bas-fonds au sein desquels Karamzim évolue avec la même aisance et absence de scrupules. Arborant monocle, porte-cigarette et uniforme (le comte se prétend aussi capitaine de l’armée), Von Stroheim campe avec délectation cet être abject.
Cinéaste perfectionniste et dispendieux, auteur total (il est également scénariste, monteur, parfois décorateur et acteur), il verra ses neuf films être implacablement amputés par la censure et les studios. Folies de femmes – dont l’érotisme joue sur le voyeurisme et l’exhibitionnisme, qui suggère le viol d’une jeune fille malade – n’échappera pas au couperet. La noirceur absolue de son regard sur la nature humaine n’a cependant rien perdu de sa force.
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