A la fois pianiste et chef d’orchestre, le grand musicien allemand Christian Zacharias, né le 27 avril 1950 à Jamshepur, en Inde, s’est formé à partir de 1961 à l’Académie musicale supérieure de Karlsruhe. Après avoir obtenu son diplôme de pianiste concertiste, il s’est perfectionné à Paris auprès de Vlado Perlemuter. Lauréat du Concours de Genève en 1969 et du Concours Van Cliburn en 1973, il a remporté en 1976 le Concours Ravel organisé par Radio France. Dès les années 1970, sa carrière de soliste international le mène sur toutes les grandes scènes du monde où il est considéré comme l’un des plus grands pianistes actuels.
Il a d’autre part entrepris depuis 1992 une riche carrière de chef d’orchestre et dirige des formations réputées comme les Orchestres Philharmoniques de Los Angeles (2000) et de New York (2006), l’Orchestre Symphonique de Bamberg… Il a ainsi à plusieurs reprises dirigé à Toulouse l’Orchestre national du Capitole et participé fréquemment au Festival Piano aux Jacobins. La 43ème édition retrouve donc Christian Zacharias qui a aimablement accepté de réponde à nos questions avant son récital très attendu du 14 septembre.
Classictoulouse : Toulouse est pour vous une destination fréquente. Le public a toujours un grand plaisir à vous retrouver. Quelle sorte de liens avez-vous tissés avec cette ville ?
Christian Zacharias : Comme souvent les liens se tissent surtout avec les personnes qui habitent la ville en question. Ce fut d’abord avec Catherine et Thierry d’Argoubet. Sans Catherine, il n’y aurait pas de lien avec Toulouse. Néanmoins Toulouse est une très belle ville. Mais je ne suis pas ici en touriste. J’ai le plaisir de partager la musique depuis plus de vingt ans et de rester fidèle à son public.
Nous nous réjouissons cette année de vous recevoir à la fois en récital à Piano aux Jacobins et à la tête de l’Orchestre national du Capitole pendant la saison.
Ch. Z. : En effet cette année j’ai le plaisir d’avoir les deux. C’est un peu une conséquence de la crise sanitaire à cause de laquelle il a fallu annuler certains concerts. On a pu heureusement les reprogrammer.
Au cours de votre formation vous avez suivi l’enseignement de Vlado Perlemuter qui a été lui aussi un invité fréquent de Piano aux Jacobins. Qu’avez-vous retiré de son enseignement ?
Ch. Z. : J’ai voulu suivre son enseignement car mon premier disque vinyle a été un récital Chopin de Vlado Perlemuter. Cela m’a appris beaucoup. Sa façon de faire ressortir les voix (comme celles d’un chanteur) de ces partitions m’avait beaucoup impressionné. En ce qui concerne son enseignement, il insistait sur la rigueur, presque plus qu’un interprète allemand ! Il y avait même une certaine austérité dans ses commentaires. Je possède encore la partition du 5ème concerto de Beethoven annotée par lui. Avec d’autres élèves nous jouions parfois ensemble. Je l’ai vraiment bien connu, comme professeur certes, mais surtout comme pianiste.
Vous avez obtenu de nombreuses et prestigieuses récompenses internationales. Quelles sont pour vous les fonctions essentielles de ces concours pour un jeune pianiste ?
Ch. Z. : Certains disent parfois que cela ne sert pas à grand-chose. Mais pour les jeunes musiciens qui n’ont pas de relations dans le milieu rmusical, pas de concerts en perspective, ces nombreux concours sont l’occasion de préparer un programme. Il y a un but, une date, et même davantage de pression que pour un concert du fait de la compétition entre les candidats. Et puis on écoute les autres et on apprend, on rencontre et on travaille. Après si on gagne, tant mieux ! Mais le premier résultat, c’est de s’insérer dans un circuit et de se présenter.
Votre répertoire est particulièrement étendu. Existe-t-il des compositeurs dont vous vous sentez plus proche ?
Ch. Z. : Cela a initialement été les grands classiques. J’ai d’abord joué ce qui résonnait en moi, à commencer par Scarlatti que j’ai plus souvent abordé que Bach par exemple. Et puis bien sûr les concertos de Mozart m’ont beaucoup accompagné ainsi que ceux de Haydn et surtout ses symphonies que je dirige cette fois comme chef d’orchestre. Schubert, qui figure à mon récital toulousain, est rarement absent de mes programmes en particulier à Toulouse. Avec l’âge, Schumann et Brahms prennent de l’importance, comme pour un regard mélancolique vers le passé. Et puis il y eu Ravel et Debussy. Ravel peut-être plus encore que Debussy, grâce à Vlado Perlemuter et à mon prix Ravel de 1976.
Votre carrière s’oriente de plus en plus vers la direction d’orchestre. A cet égard, nous nous réjouissons de vous retrouver à la tête de l’Orchestre national du Capitole au cours d’un concert de la prochaine saison. Quelle relation établissez-vous entre vos activités musicales de pianiste soliste, de chef d’orchestre, et même de pianiste-chef d’orchestre ?
Ch. Z. : Il existe une grande différence entre les activités de pianiste et celles de chef d’orchestre. Avec sa solitude, le pianiste est à la recherche d’une perfection qui en fait n’existe pas ! Le chef d’orchestre doit travailler avec les musiciens. J’ai commencé cette activité en 1992 avec l’Orchestre de la Suisse Romande. Là on est responsable d’un orchestre. Il faut prendre en compte les relations des musiciens entre eux, leur humanité, les qualités de ces relations et parfois les problèmes. Ce défi me rend plus jeune que la pratique du piano !
Pouvez-vous nous parler de votre récital du 14 septembre prochain au cloître des Jacobins. Quel lien établissez-vous entre Schubert et Tchaïkovski ?
Ch. Z. : Il est vrai qu’il y a peut-être des relations plus étroites entre Schumann et Mendelssohn d’une part et Tchaïkovski d’autre part. Jouer Tchaïkovski est une conséquence de mes études avec un professeur russe. Ma technique vient vraiment de cette école de Saint-Pétersbourg. Pourtant, pendant longtemps, je n’ai pas joué cette musique. Puis j’ai commencé à aborder six de ces pièces de Tchaïkovski, avant de jouer le cycle entier des Saisons. Cette approche peu démonstrative me convient très bien. L’intimité qui se manifeste ici est très touchante. Ces pièces peuvent être comparées aux Moments musicaux de Schubert. Il y a certes des différences mais tout cela évoque le grand voyage…
Serge Chauzy
une chronique de ClassicToulouse