Ils ouvriront le bal du Marathon des mots le 23 juin. Jean-Pierre Mader et Paul Monnier introduisent le célèbre festival avec leur dernière création “Les Mots Enfouis”. Rencontré à Toulouse, le malicieux duo nous raconte l’histoire d’un projet sensible qui allie technique et émotions. Interview.
Dans un monde englouti, les échos des témoins refont surface. Lorsque Jean-Pierre Mader et Paul Monnier décident d’enlacer leurs univers, le projet des “Mots Enfouis” voit le jour. Une « oralittérature » qui retrace l’histoire de villages engloutis par les eaux à partir de centaines d’archives audios. Une matière première insolite qui a donné le jour à un spectacle sonore et musical que les Toulousains pourront retrouver le 23 juin prochain en ouverture du Marathon des Mots. Genèse du projet, symbolisme et promesses poétiques, les deux artistes se confient sur leur œuvre.
Jean-Pierre Mader et Paul Monnier l’interview :
Transposer des archives audios en représentation scénique ce n’est pas banal, d’où provient ce concept surprenant ?
Paul Monnier
Les Mots enfouis ont vu le jour après une rencontre. Ma rencontre avec Armelle Faure, ethnologue. Elle m’a donné en écoute le fruit de ses recherches sur la commune de Bort-Les-Orgues dont plusieurs maisons se sont retrouvées submergées par les eaux suite à la construction d’un barrage. À mon oreille, des centaines de vies, de témoignages et d’émotions sont venus se présenter. J’ai alors accompagné la transposition de ces études en écrivant le speech de l’exposition qui a suivi ce travail. Un poème dénommé “les mots enfouis” sera le point de départ de la suite de l’aventure. Pendant le confinement, je reviens donc de cette expérience riche en émotions avec l’envie de la prolonger. Avec l’intime conviction que les mots, les sons, sont des outils de créations artistiques encore trop peu exploités. Je me nourri de plus de deux cents témoignages de villages engloutis, je me laisse envahir par le sujet.
“Ces souvenirs, pourtant très personnels, sont complètement universels”
Jean-Pierre Mader
Paul m’a présenté ce projet et cela m’a immédiatement ramené à mon vécu, mes histoires et mes souvenirs. Je suis rapidement tombé sous le charme du projet. Nous sommes deux amis dans des univers complémentaires. L’écriture, le son, les témoignages, la machine était lancée.
Nous sommes en mai à la date de cette interview, à quelques semaines de la représentation toulousaine. Justement, ce spectacle, en quelques mots quel est-il ?
Jean-Pierre Mader
Les Mots Enfouis c’est le traitement artistique et contemporain de mémoires passées. Nous sommes quatre sur scène dans un espace minimaliste, accompagnés de quelques surprises d’images. C’est une représentation que l’on souhaite profondément humaine, simple, loin des grands shows millimétrés. Ce spectacle a pour but d’inviter le public à se laisser porter par l’instant. Il y aura des reprises, des créations inédites, des concepts…
Le spectacle peut paraître ambitieux quand on connaît ses origines. Comment l’avez-vous travaillé ? Ce n’est pas trop dur de se glisser aussi près de l’intimité ?
Paul Monnier
Je crois que, à l’inverse, nous avons pris le contre-pied. Nous n’avons pas cherché à fuir cette intimité, ces vécus, au contraire. Nous nous sommes pleinement immergés dans ces récits. Aujourd’hui, j’ai l’impression de connaître chacune de ces personnes entendues. Et c’est en partie grâce à ce processus d’immersion complète que l’on peut se rapprocher de quelque chose de juste.
Jean-Pierre Mader
On s’est laissé aller, tout simplement. Nous avons construit ensemble une structure qui possède un juste milieu entre le témoignage, l’oralittérature et la chanson. Il y a un travail fait spontanément, avec le cœur. Nos élans créatifs respectifs ont trouvé leur bonheur. Notre scène sera composée de designs sonores et d’un récit concert, une ambivalence magnifique.
Vous ouvrez le célèbre Marathon des Mots, quel est votre ressenti à ce placement dans la programmation ?
Paul Monnier
C’est une grande joie. Nous connaissons l’aura de cet événement et je pense que notre spectacle se place avec justesse dans sa philosophie.
Jean-Pierre Mader
Et puis, venir à la rencontre de Toulouse, c’est un régal à chaque fois. Les publics sont bienveillants, il y a une très belle énergie. Nous avons hâte d’y être !
Ce projet maintenant prêt pour la scène, avez-vous l’envie de le prolonger, de renouveler l’expérience du travail à partir de témoignages ?
Complètement. Les témoignages ont pour grande force de toucher directement et universellement le public. Le sublime intime. Il ne serait pas impossible que l’on s’essaye à d’autres événements, formats… Mais pour l’instant, on veut pleinement vivre nos Mots Enfouis.