Elle se voulait peintre mais sans compromis, en pleine conscience des exigences d’une discipline qui s’avère plus difficile pour les femmes ayant choisi d’être mère. Heureusement son engagement artistique s’est redéployé dans la création plasticienne, la vidéo, et la photographie.
Lau de Mels cite René Char:
«J’ai saisi ma chance de composer de fausses peintures qui sont devenues de vraies photographies !»
Lau de Mels expose ses photographies au bar Le Cactus à Toulouse – tout ce mois de mai 2022
Vernissage le jeudi 5 mai à partir de 19h
Et si pour Lau de Mels « la peinture en elle-même contient le conte », d’autres modes d’expression, plus séquencés, peuvent préserver toute la puissance du récit, comme en témoignent ses travaux photographiques exposés au Cactus.
Je crois que j’essaie sans cesse de raconter ce qui se passe autour de l’image, ce qu’on ne voit pas et que le spectateur peut imaginer. Je dis l’intime sans mots.
Faute de pouvoir accrocher la série complète dans l’espace d’exposition, Lau de Mels a réalisé un carnet (1) contenant la totalité des 27 images, chacune associée à une phrase, expression, sentiment en relation étroite avec l’acte de photographier. Cœur battant d’un quotidien saisi dans la virginité de la rencontre, l’image fertile devient une série, patiemment mûrie autour d’un ressenti d’abord confus mais toujours directeur de ses instincts.
Au départ, je n’ai pas de « sujet ». C’est la vie, ce qui se passe autour de moi, la lumière, le lieu où je suis qui s’impose et définit ce que je vais capturer. Ensuite, à partir de cet embryon, si cela crée chez moi un saisissement, une agitation, je crée une série afin de poser le sujet, le découvrir, le passer à la centrifugeuse de mon esprit.
Voilà bien une posture propice s’il en est à l’accueil de cet imprévisible qui fonde l’approche de Lau de Mels vis-à-vis d’une pratique photographique initiée à l’époque de ses études aux Beaux-Arts, où le support argentique – cher et limité par le nombre de vues – imposait des choix.
Bien qu’utilisant le numérique, je tente de retrouver cet état: me tenir sur le fil, ne sachant ce que cela rendra vraiment. Je veux continuer à pouvoir perdre, rater, passer à côté.
On l’a connue plasticienne et vidéaste (souvenez-vous: ici). Pellicule sensible, le titre de cette série, relie par ailleurs son choix de certaines compositions exposées à cette matrice de peintre qui ne l’a jamais vraiment quittée :
Il y a aussi dans le choix de ce titre, la volonté de dire que les natures mortes ont une part sensible. Ce ne sont pas des décors. Elles sont vivantes. Le regard que l’on porte sur le quotidien, ce qu’on en perçoit et qu’on choisit de révéler appartient à l’émotion.
Et de fait, le regard de Lau de Mels offert à celui du spectateur isole ces moments suspendus où l’œil accroche on ne sait pourquoi un rai de lumière, la vibration d’un matin et la paix qu’il diffuse, la géographie d’une façade décrépie, les vibrations d’une chaise quittée il y a quelques instants, … tous ces focus nourrissants qui ouvrent à chacun la dérive en ses pensées. En contrepoint à ces temps longs, les vues de passants disent la vitalité de la rue, celle que l’on célèbre avec un regard d’autant plus affûté, curieux, émerveillé lorsque l’on sort d’un enfermement extra-ordinaire, comme celui que la crise sanitaire récente nous a fait vivre – pour ne citer que ce que nous avons expérimenté en commun.
Pour Lau de Mels, ce temps fut vécu exactement comme une renaissance intime, déchiffrée à travers la diversité des personnes croisées. Peu importe alors s’il manque ça et là une tête ou un visage : c’est bien elle-même, regardant les autres, que Lau de Mels photographie, fusion bouleversante avec ces milliers de vies qui circulent. Le cadrage, lui, est dirigé par d’autres intuitions créatrices et si l’anonymat ainsi organisé exprime parfois la pudeur, c’est que celle-ci «raconte, permet d’imaginer, ouvre l’espace».
C’est là que se niche l’irremplaçable poésie du quotidien, captée par Lau de Mels dans nos territoires ordinaires.
Pellicule sensible tout ce mois de mai aux cimaises du Bar Le Cactus, 13 boulevard Lascrosses à 31000 Toulouse (lecactustoulouse.fr)
Une exposition reprise dans le cadre de « Une saison photo à Toulouse », soutenue par la Mairie.
(1) Le carnet de la série complète Pellicule sensible sera en vente pendant l’exposition.
Lau de Mels, le site web et la page Instagram