C’est la première fois que Les Arts Renaissants invitaient le Quatuor Ellipsos composé de Paul-Fathi Lacombe (saxo soprano), Julien Bréchet (saxo alto), Sylvain Jarry (saxo ténor) et Nicolas Herrouët (saxo baryton). Résultat, une salle chauffée à blanc qui aurait bien voulu continuer encore et encore d’entendre ces quatre musiciens dont l’immense talent ne fait aucun doute. Mais ce n’est pas tout. Ils possèdent ce petit plus qu’il est commun d’appeler un supplément d’âme qui les connecte immédiatement avec l’auditoire en une sorte de communion musicale complètement jubilatoire.
Le programme débute sur des arrangements hallucinants de pertinence. Ils sont l‘œuvre de l’un des membres du quatuor : Nicolas Herrouët. Et pour commencer : Toccata et fugue en ré mineur de JS Bach. Stupeur ! Si l’on ferme les yeux c’est un orgue qui résonne dans le Temple du Salin ! Bien sûr l’orgue est également un instrument à vent, mais tout de même, quelle alchimie des timbres, quelle précision dans les thèmes. Stupéfiant ! Une mise en bouche qui ne pouvait qu’aiguiser notre curiosité et notre envie. Nous ne fûmes point déçus, loin s’en faut. Suivirent le Concerto pour orgue en do majeur, toujours du Cantor de Leipzig, puis la Fuga n° 5 sur le nom de BACH de Robert Schumann, enfin la Fantaisie pour orgue en fa mineur de WA Mozart. Après deux minuscules minutes d’entracte, manière de ne pas laisser les planches se refroidir, comme disent les stand upers, nos quatre saxophonistes reviennent avec Claude Debussy et son Clair de lune extrait de la Suite bergamasque.
C’est le moment que choisit d’ailleurs Paul-Fathi Lacombe, un virtuose hallucinant du saxo soprano, pour rendre hommage à deux immenses pianistes disparus le jour-même : le Roumain Radu Lupu et l’Américain Nicholas Angelich, auxquels il dédie ce morceau. Moment d’émotion intense… La compositrice gaillacoise Fernande Decruck. (1898-1954) fait son apparition dans le programme. Du trésor que constitue pour les saxophonistes son œuvre immense dédiée à leur instrument, ils en extraient deux opus : Pavane et Saxofonia di camera. La richesse de l’invention mélodique, la poésie qui s’en dégage et l’originalité du propos nous donnent une envie irrésistible d’en savoir plus long. Un conseil sur ce sujet, procurez-vous leur dernier album paru chez NoMadMusic en 2021, primé depuis, que ce quatuor a entièrement consacré à cette musicienne. C’est avec Thierry Escaich, né en 1965, que se clôt le programme officiel sur un Tango virtuoso qui vous met des fourmis dans les jambes.
Sous les applaudissements plus que nourris du public, Ellipsos nous offre un premier bis pour le moins inattendu, chantant a capella le negro spiritual le plus célèbre, vraisemblablement antérieur au XXe siècle : Oh When The Saints Go Marching In. Il n’a pas fallu beaucoup de temps, et sur l’invitation d’Ellipsos, pour que la salle entonne de bon cœur/chœur ce spiritual avec eux. Un grand moment festif. Puis, retour à Bach, pour calmer l’atmosphère, avec la célèbre Aria de la Suite N° 3. Un inoubliable instant de ferveur musicale qui termine non seulement un concert d’exception mais également une saison d’une richesse qui porte haut les couleurs musicales de la Ville rose.
Robert Pénavayre
une chronique de ClassicToulouse