Chaque mercredi, on rend hommage à un grand classique du cinéma. A voir ou à revoir.
To Be or Not to Be d’Ernst Lubitsch
Connaissez-vous la « Lubitsch touch » ? C’est ainsi que l’on nomma l’art et la manière du cinéaste né en 1892 à Berlin et mort en 1947 à Los Angeles. Comment définir la touche Lubitsch ? Disons qu’il s’agissait d’un mélange d’élégance et de sophistication à travers des comédies usant de l’ellipse, de la surprise, du double sens, du secret, des faux semblants et des sous-entendus sexuels. To Be or Not to Be, l’un des classiques du réalisateur, illustre la quintessence de cet univers où les portes sont omniprésentes, dissimulant ou révélant une réalité que l’on s’efforce de déjouer ou d’enjoliver.
Deux ans après Le Dictateur de Chaplin, le film de Lubitsch, sorti en 1942 aux Etats-Unis, ridiculise à son tour les nazis. Août 1939, que fait donc Adolf Hitler dans les rues de Varsovie, lorgnant sur les devantures des magasins tel un touriste ? On ne dévoilera pas l’explication de la présence de celui qui répond aux « Heil Hitler ! » de ses sbires par « Heil moi-même ! ».
Le rire comme antidote
A Varsovie donc, une troupe de théâtre travaille à une pièce satirique brocardant le régime nazi tout en jouant Hamlet de Shakespeare. Sur scène, Joseph et Maria Tura se donnent la réplique. Cette dernière a un admirateur transi en la personne d’un jeune et bel officier d’aviation. La fameuse tirade (« Être ou ne pas être… ») énoncée par Joseph Tura sert de signal : le militaire quitte la salle et peut alors rejoindre la comédienne dans sa loge. Hélas, le déclenchement de la guerre brise le vaudeville amoureux. Le pilote part pour Londres tandis que la troupe s’engage dans la résistance intérieure menacée par un agent double au service de la Gestapo.
Sur ce sujet tragique, Lubitsch tisse un chef-d’œuvre de légèreté et d’insolence que la révélation du génocide aurait sans doute rendu impossible à réaliser après-guerre. Flirtant avec le film d’espionnage, To Be or Not to Be pétille comme du champagne, file à un tempo d’enfer, renverse les situations, passe de la fiction et du simulacre à la « vraie vie ». Les répliques fusent. « Ce qu’il faisait à Shakespeare, nous le faisons à la Pologne », lance un nazi à propos de l’acteur Joseph Tura. Le rire comme antidote à la bêtise et à la barbarie : la recette est toujours valable.
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