Critique. TOULOUSE. CAPITOLE, Le 22 mars 2022. J.P RAMEAU. PLATÉE. C. et G. BENIZIO. M.VIDAL. M.PERBOST. H. NIQUET.
Platée entre élégance et légèreté, séduit le public
Étrange opéra que cette Platée. Chez un musicien très conventionnel dans ses autres choix, ce sujet auquel Rameau tenait beaucoup, continue à nous intriguer. Chaque metteur en scène devant affronter une œuvre inclassable et dérangeante doit faire des choix. L’entente avec le chef d’orchestre et le chorégraphe est également une nécessité tant le moindre faux pas peut faire chavirer ce navire ingouvernable. La cruauté et la méchanceté de l’histoire sont bien connues : les dieux puissants se moquent d’un être disgracieux dans une machination diabolique.
Shirley et Dino, à la ville Corinne et Gilles Benizio, sont des êtres charmants et sympathiques (il n’y a qu’à voir leur numéro de marcheurs étrangers passant par le village), ils ont mis en scène cet ouvrage avec bonté et drôlerie légère. En y gommant toute la noirceur, ils trouvent une vraie complicité avec Hervé Niquet à la baguette et Kader Belarbi en maître de la danse. L’union fait la force et l’humour d’Hervé Niquet très actif dans la mise en scène (il ira jusqu’à déranger des éléments de décors) allié à la décontraction et la simplicité des danses imaginées par Kader Belarbi, conviennent parfaitement au couple metteur en scène.
Ajoutons que le décor d’Herman Penuela et les costumes vont vers cette même simplicité et cette bonhommie générale. Il n’y a donc rien de dérangeant dans cette production même l’escamotage du prologue ou le changement de la profonde mare en une ville du sud de l’Italie toute en hauteur ; l’habileté de chacun nous convainc de ces choix. Le spectacle passe donc avec facilité, le public rit souvent et l’ennui ne s’installe pas.
Les chanteurs sont habiles comédiens et les voix sont impeccablement homogènes. Personne ne démérite ni personne ne domine. Il y a un vrai équilibre scénique et vocal. La prosodie est fluide, le jeu semble facile, tout est d’une parfaite lisibilité. La Platée de Mathias Vidal est vocalement élégante avec un équilibre parfait sans abuser de la voix de tête pour donner un caractère burlesque. Le jeu étant juste et sans excès, la Nymphe retrouve une part de divinité.
La Folie de Marie Perbost a une présence éclatante et s’est avant tout son énergie qui domine. La direction d’Hervé Niquet est tout aussi élégante et fluide, sans effets, ni faiblesse. Son orchestre et son chœur du Concert Spirituel sont de vieux complices, c’est limpide. Quant au Ballet du Capitole, il s’intègre à merveille à la production, plein de vie et les danses de Kader Belarbi sont d’un comique toujours équilibré.
Il est bon en cette période compliquée pleine de difficultés et d’angoisses, d’assister à ce spectacle facile, surtout qu’il avait été répété avant le premier confinement. Comme le dit Hervé Niquet en introduction « nous sommes au taquet » c’est vrai je confirme le travail d’équipe est remarquablement efficace, c’est réconfortant. Bravo ! Nous souhaitons une belle tournée à cette production !
Toutes les photos : Crédit de Mirco Magliocca
Critique. Opéra. Toulouse. Théâtre du Capitole, le 22mars 2022. Jean-Philippe Rameau (1683-1764) : Platée ballet bouffon (Comédie lyrique) en trois actes. Livret d’Adrien-Joseph Le Vallois d’Orville d’après Jacques Autreau. Crée le 31 mars 1745 au Grand Manège de Versailles. Coproduction Théâtre du Capitole, Opéra Royal/Château de Versailles Spectacles, le Concert Spirituel. Corinne et Gilles Benizio (Shirley et Dino) : mise en scène, costumes, comédiens ; Kader Belarbi : Chorégraphie Herman Penuela : décors ; Patrick Méetis : Lumières ; avec : Mathias Vidal, Platée ; Marie Perbost, La Folie ; Pierre Derhet, Mercure ; Jean-Christophe Lanièce, Momus ; Jean-Vincent Blot, Jupiter ; Marie-Laure Garnier, Junon ; Marc Labonnette, Cithéron ; Lila Dufy, Clarine ; Chœur et Orchestre du Concert Spirituel ; Ballet du Capitole ; Hervé Niquet : Direction.